Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

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Résumés - Process et Technologies

De nombreuses études confirment l’impact positif du gras intramusculaire ou « persillé » sur la qualité organoleptique de la viande bovine. C’est pourquoi INTERBEV (Interprofession du bétail et des viandes) a choisi de travailler sur cette thématique afin d’améliorer la qualité gustative de la viande et ainsi mieux répondre aux attentes des consommateurs. Pour ce faire, un vaste plan d’action a été mis en place et l’étude du pilotage du persillé en fait partie. En effet, les pratiques d’élevage qui favorisent le dépôt de persillé restent encore à préciser. L’objectif de cette étude exploratoire est d’identifier des conduites favorisant la production de viande persillée chez les femelles Charolaises et Limousines. Des mesures ont été réalisées en abattoir avec la nouvelle grille interprofessionnelles (de 1 (absence de persillé) à 6 (extrêmement persillé)). A partir de ces mesures, deux groupes d’élevages ont été constitués : le groupe « persillé – (Pers -) » produisant des carcasses peu persillées (note moyenne de persillé : 2,2 ± 0,8), et le groupe « persillé + (Pers+) » présentant des carcasses très persillées (note moyenne de persillé : 3,7 ± 0,9). Des enquêtes ont permis de caractériser les conduites d’élevage mises en œuvre et de les mettre en relation avec le niveau de persillé obtenu. Concernant l’alimentation, deux leviers ont été identifiés : l’alimentation au jeune âge et les pratiques de finition. Les différences de conduite entre les 2 groupes d’élevages sont majeures sur les périodes 5-12 mois et pendant la finition. Entre 5 et 12 mois, les éleveurs « persillé + » complémentent les veaux plus longtemps que les éleveurs persillé (5.1 ± 2.4 mois vs 2.6 ± 2.0 mois). La quantité de concentré distribuée pendant ces périodes est également globalement plus importante chez les éleveurs Pers+. En effet, environ 30% des éleveurs Pers + le distribuent ad libitum alors qu’aucun éleveur Pers- ne le fait. En période de finition, les durées d’engraissement sont plus longues pour les éleveurs « persillé + » (5,7 ± 1,4 mois) que pour les éleveurs « persillé - » (2,9 ± 0,9 mois). Par ailleurs, les apports énergétiques journaliers des rations de finitions (calculés sur la base du poids de carcasse) sont en moyenne plus élevés de 1,3 UFV chez les éleveurs Pers+. Il semble donc que l’activation de ces deux leviers (complémentation au jeune âge et finition) soit nécessaire pour maximiser les dépôts de persillé, mais leurs importances respectives mériteraient d’être précisées. Par ailleurs, l'efficacité et la faisabilité technico-économique de ces conduites identifiées doivent être confirmées par des essais en station expérimentale avant de pouvoir être diffusées auprès des éleveurs.

L’importance du gras intramusculaire (persillé) dans la viande bovine vis-à-vis de la qualité organoleptique a récemment été de nouveau démontrée. INTERBEV (l’interprofession française du bétail et des viandes) en a ainsi fait un axe d’amélioration de la qualité de la viande bovine dans le cadre de son plan de filière. Le présent travail vise à améliorer la qualité sensorielle de la viande proposée aux consommateurs. Un plan d’action a été mis en œuvre et l’Institut de l’Elevage (IDELE) a développé une grille de mesure pour INTERBEV, afin de permettre aux abatteurs de mesurer ce critère. Actuellement, les niveaux de persillé des bovins de races françaises sont mal connus et aucun état des lieux n’a été réalisé à ce jour avec ce référentiel. Ce travail fait un état des lieux des niveaux de persillé des bovins de races française et objective les liens entre certaines caractéristiques des carcasses (âge, poids, conformation, état d’engraissement) et le persillé. Cette étude s’inscrit dans les priorités du plan de filière viande bovine visant à mieux répondre aux attentes du consommateur en matière de qualité organoleptique.

Cet article est une synthèse d’une session consacrée à la recherche sur le persillé ou le gras intramusculaire chez le bœuf et l'agneau présentée lors du congrès annuel de la fédération européenne des sciences animales (EAAP) à Florence du 1er au 4 septembre 2024. Une vue d'ensemble du développement du persillé a été présentée insistant sur les rôles de la génétique en termes de prolifération et de localisation des adipocytes intramusculaires et de croissance musculaire, ainsi que sur le rôle de la nutrition et de l'âge de l'animal durant la finition. L'avènement de nouveaux outils de mesure en ligne du taux de gras intramusculaire a conduit au développement d'un nouveau modèle australien des normes de la viande pour prédire la qualité sensorielle de la viande d'agneau sur la base de l'équilibre entre le rendement en viande maigre et le taux de gras intramusculaire. D'autres technologies basées sur la chimie des lipides du tissu musculaire, telles que la spectrométrie de masse à ionisation par évaporation rapide (REIMS), sont très prometteuses pour classer les pièces de viande cuites selon leur flaveur et leur qualité globale attribuée par les consommateurs. Enfin, la détermination chimique du taux de gras intramusculaire est proposée comme la meilleure méthode pour étayer les futurs systèmes de classement des carcasses qui est actuellement basé sur l'évaluation visuelle du persillé.

Le persillé est défini comme l’infiltration de gras entre les fibres musculaires. De nombreuses études confirment son impact positif sur la qualité organoleptique de la viande bovine. INTERBEV (Interprofession du bétail et des viandes) a choisi de travailler sur ce critère afin de répondre aux attentes des consommateurs en matière de qualité organoleptique. Un vaste plan d’action a été construit autour de cette thématique et l’évaluation du persillé en est la clé de voûte. Il est en effet crucial d’évaluer ce critère pour mieux le piloter en élevage.
En collaboration avec différentes entreprises d’abattage-découpe, IDELE (Institut de l’Elevage) a construit une grille d’évaluation du persillé adaptée au contexte français. Ce référentiel de mesure a été testé en conditions réelles afin de s’assurer de sa fiabilité et de le valider. L’interprofession impose aux abattoirs qui le désirent d’utiliser cette grille pour évaluer le persillé en complément des mesures déjà effectuées en routine, tels que la conformation, le poids de carcasse et l’état d’engraissement. Un accord interprofessionnel encadre le déploiement de ce référentiel et définit les modalités de son utilisation. Par ailleurs, IDELE étudie la possibilité d’instrumentaliser la mesure en vif et en carcasse afin d’améliorer la fiabilité des données collectées et d’optimiser leur remontée.

En Australie, l'évaluation de la qualité de la viande bovine est réalisée au niveau de la noix de côte des carcasses selon les normes du « Meat Standards Australia » (MSA) et permet de décrire les caractéristiques de la viande commercialisée. L'une des caractéristiques évaluées visuellement est l’importance du persillé. En Europe, les abattoirs s'intéressent de plus en plus à l'évaluation de ce critère. Ces dernières années, il est devenu de plus en plus important de disposer de technologies de mesure objectives garantissant un classement cohérent, précis et normalisé pouvant être adopté par la filière viande bovine. La caméra Q-FOMTM Beef prédit le taux de persillé et le pourcentage de gras intramusculaire déterminé chimiquement (IMF%). Cet article résume l'exactitude et la précision de la prédiction du score MSA de persillé et du pourcentage de gras intramusculaire par la caméra Q-FOMTM Beef pour des carcasses bovines australiennes, découpées en quartiers aux 10ème-13ème côtes, et pour des carcasses bovines européennes, découpées en quartiers aux 4ème-6ème côtes. La caméra Q-FOMTM Beef prédit le score de persillé MSA avec une précision d'environ 50 points de persillé MSA et le taux d’IMF% avec une précision de 1,3% aux deux sites de découpe des carcasses. Ces résultats sont importants pour les filières bovines européennes et australiennes. La caméra Q-FOMTM Beef est disponible dans le commerce et convient au classement des carcasses dans les chambres froides et en milieu industriel.

Dans les abattoirs européens, pratiquer la coupe avant/arrière des carcasses bovines entre la 10ème et la 13ème côte, comme en Australie, plutôt qu’à la classique 5ème côte peut engendrer une dépréciation financière, ce qui freine les abattoirs à réaliser ce type de coupe. Cette étude avait donc pour objectif de comparer les scores de classement de persillé, couleur de viande et couleur de gras du M. longissimus thoracis et lumborum lors de coupes à la 5ème et à la 10ème vertèbre thoracique. Les conséquences sur la prédiction de la qualité de la viande par le modèle Meat Standards Australia (MSA) ont ensuite été évaluées pour des vaches de réforme, lesquelles produisent la majorité de la viande bovine consommée en France. Les carcasses de 208 vaches françaises, principalement de race Limousine, ont été classées selon le système australien ABCAS (« Australian Beef Chiller Assessment System ») employé pour la mise en œuvre du système MSA et de son équivalent européen, le système 3G. Il n’y a pas de différence significative de persillé entre les deux sites de mesure, ni de scores de qualité sensorielle globale (MQ4) des muscles ou de l’index MSA de la carcasse calculés à partir de ces mesures. En revanche, la couleur de la viande est significativement plus sombre à la 10ème qu’à la 5ème côte et la couleur du gras plus jaune. En France, le classement de persillé du M. longissimus thoracis et lumborum doit s’effectuer à la 5ème côte selon le référentiel interprofessionnel en vigueur. Les résultats de cette étude suggèrent qu’il pourrait techniquement aussi se faire à cet endroit avec le référentiel MSA/3G, pour des recherches sur bovins allaitants en Europe. Cependant, des investigations et ajustements supplémentaires seraient nécessaires pour utiliser d’autres critères essentiels du classement MSA/3G (comme l’épaisseur du gras dorsal) afin qu’ils soient compatibles avec les pratiques habituelles de séparation en quartiers des carcasses européennes.

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Edito

Science, ingérences et persillé

Les débats sur l’avenir de l’élevage et la viande ont bien du mal aujourd’hui à se départir d’un faisceau d’apriori idéologiques, de visées politiques mais aussi d’arrière-pensées commerciales. Un rapport de l’Ecole de guerre économique présenté début décembre dans les salons du Sénat à l’initiative du sénateur du Morbihan Yves Bleunven a ainsi mis au jour les troublantes connections entre les associations animalistes et environnementalistes œuvrant en Europe, les associations « philanthropiques » américaines qui les subventionnent et les investisseurs de la « foodtech » d’Outre-Atlantique qui ont misé d’énormes sommes sur les profits éventuels à tirer des alternatives végétales et de la « viande » artificielle. Entre 2017 et 2022, l’une de ces associations -qui s’est fait connaitre par la diffusion de vidéos-chocs tournées dans des élevages et des abattoirs- a reçu pas moins de 6,1 millions de dollars, dont une part importante provenant de l'Open Philanthropy Project (OPP). En seulement six ans, écrivent les auteurs, les dons à cette association groupusculaire ont triplé, « atteignant plus de 3M$ en 2023 ». Depuis 2016, la fondation a alloué plus de 40 M€ à diverses organisations animalistes, principalement en Europe, « afin d’influencer les débats politiques et réglementaires (notamment lors des débats sur la bientraitance animale ou de la directive IED) », affirment les auteurs. Le rapport pointe également les liens flagrants entre organisations philanthropiques et investisseurs des alternatives à la viande. Les auteurs montrent notamment comment les fondateurs des associations Mercy for Animals et PETA ont fondé le Good food institute, chargé de soutenir la « foodtech ». Entre 2014 et 2023, ce fonds « a financé la recherche et le lobbying du secteur à hauteur de 21 millions de dollars ». Une ingérence aujourd’hui encore insuffisamment prise au sérieux par l’agriculture et l’agroalimentaire européens « pour lesquels il s’agit pourtant d’une question de souveraineté », estime le sénateur Yves Bleunven.
Contre toutes les simplifications, les raccourcis ou les parti-pris plus ou moins honnêtes ciblant l’élevage et la viande, plusieurs dizaines de chercheurs ont lancé un nouvel appel « de Denver » en faveur « d’une politique guidée par le souci d’une alimentation adaptée ». « Le discrédit généralisé de la viande, des produits laitiers et des œufs doit cesser afin que nous puissions revenir à des recommandations alimentaires pleinement fondées sur des preuves scientifiques, économiquement et culturellement appropriées, qui nourrissent et respectent à la fois les consommateurs et les producteurs de ces aliments, au lieu de les discréditer sans cesse », écrivent-ils, dans le prolongement de la déclaration de Dublin, prononcée en 2022 sur le rôle sociétal de l'élevage signée par plus de 1 200 scientifiques du monde entier.
https://www.dublin-declaration.org/fr/lappel-a-action-de-denver
Bien loin de ces débats idéologiques et surtout mercantiles, ce numéro de VPC s’attache à une caractéristique essentielle de la viande bovine dans le plaisir que sa consommation procure : le persillé. En six articles, nous espérons répondre à tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur ce sujet peut-être moins clivant que celui de la viande artificielle mais pas si anodin pour l’orientation de la filière bovine française. Ainsi, les chercheurs continuent de travailler sans relâche car il convient de ne pas détourner l’attention du grand public de l’essentiel, à savoir la nécessité de s’appuyer sur la science pour correctement évaluer et améliorer les systèmes d’élevage et la qualité de leurs produits dont celle de la viande.

Bruno CARLHIAN et Jean-François HOCQUETTE