D’après l’étude, la complémentation au jeune âge et la finition seraient les deux périodes clefs du dépôt de persillé. Leur importance respective mériterait cependant d’être précisée.
I. INTRODUCTION
La France est le premier abatteur de gros bovins (18% des volumes) (Chatellier et al., 2021) et le premier consommateur de viande bovine (en quantité par habitant, 24.5kg/hab) au niveau européen, ce qui en fait un acteur majeur de l’agriculture européenne. La filière bovine française cherche à améliorer la pérennité de son activité en travaillant sur différents axes. Les objectifs du plan de filière de 2017 en sont une illustration à travers son objectif principal : encourager la consommation de viande bovine française en répondant aux attentes du consommateur et en rémunérant équitablement tous les maillons de la filière (INTERBEV, 2017).
L’interprofession a choisi de travailler sur le persillé (ou gras intramusculaire), car sa présence permet d’améliorer la qualité organoleptique de la viande en bouche. Un travail récent réalisé sur 300 consommateurs confirme l’intérêt du gras intramusculaire pour améliorer l’appréciation globale de la viande (Normand et al., 2017). Il démontre qu’à la dégustation, les consommateurs préfèrent les morceaux les plus persillés aux morceaux les plus maigres. Ces résultats sont confirmés par la bibliographie. Le persillé permet d’améliorer les niveaux de satisfaction des consommateurs après dégustation en améliorant la flaveur, la jutosité et la tendreté de la viande (Hocquette et al., 2010 ; O’Quinn et al., 2012).
Pour atteindre cet objectif, il est important d’identifier des pratiques d’élevage permettant de produire des carcasses persillées. Jusqu’à présent, les facteurs connus se limitaient à certains paramètres de finition (durée, niveau énergétique). Une revue bibliographique effectuée en amont de ce travail a identifié d’autre facteurs potentiels (Nicolazo de Barmon et al., 2022). Certaines pistes de travail telles que la conduite au jeune âge ont été relevées dans différentes publications internationales. En effet, l’étude des mécanismes de dépôt du persillé met en évidence deux phases de développement (Figure 1) : l’hyperplasie, multiplication du nombre de cellules grasses ou adipocytes, et l’hypertrophie, l’augmentation de leur taille (Park et al., 2018). L’hyperplasie se déroulerait au jeune âge, entre la moitié de gestation et 150 jours dans l’ensemble des dépôts adipeux, et entre 150 et 250 jours de vie fœtale spécifiquement dans le gras intramusculaire. Cette période est nommée « marbling window » (fenêtre de persillé) par certains scientifiques (Figure 1). Il y aurait donc un intérêt de complémenter l’animal entre 150 et 250 jours afin de maximiser le nombre d’adipocytes présent dans le gras intramusculaire. Quant à l’hypertrophie, elle se déroulerait essentiellement pendant l’engraissement de l’animal (Du et al., 2014 ; Park et al., 2018). D’autres facteurs de variation sont également mentionnés dans la littérature, comme l’impact de la nature de la ration ou de la teneur en vitamine A pendant la phase de finition (Nicolazo de Barmon et al., 2022).
L’ensemble de ces éléments résultent de travaux de recherche effectués sur des races Anglo-saxonnes ou asiatiques mais il existe peu de références sur les races françaises (Nicolazo de Barmon et al., 2022). Le présent travail vise donc à rechercher l’existence des mêmes leviers identifiés dans la bibliographie dans la filière bovine française, sur des femelles de races Charolaises et Limousines. Il s’agit d’une étude exploratoire qui vise non pas à identifier des pratiques directement applicables en élevage, mais à relever des modes de conduites pouvant être étudiés de façon plus approfondie dans le cadre de futurs essais en station expérimentale.
Figure 1 : Mécanismes des dépôts du persillé adapté de Du et al., (2013) et Park et al., (2018).
II. MATERIELS ET METHODES
1. Collecte de données en abattoir
Des notations ont été réalisées dans 5 abattoirs français entre mars 2021 et mai 2022. Le référentiel utilisé était la grille interprofessionnelle (Figure 2) qui permet une évaluation visuelle du persillé sur des carcasses coupées à la cinquième côte au niveau de la noix d’entrecôte (muscle longissimus dorsi) côté basse côte (Nicolazo de Barmon et al.. 2024a). Cette grille est constituée de 6 niveaux (de 1 - peu persillé à 6 - extrêmement persillé). Les notations ont été effectuées par 8 techniciens ayant suivi plusieurs formations théoriques et pratiques avant de débuter cette campagne de notation. Les techniciens ont été entrainés jusqu’à obtenir un résultat supérieur ou égal à 70% de répétabilité.
Figure 2 : Référentiel de mesure du persillé réalisé par IDELE pour INTERBEV
2. Sélection des élevages
Cette phase de travail en abattoir a permis de recueillir 2 575 données provenant de femelles allaitantes de races Limousine et Charolaise. En effet, ce sont ces deux races qui ont été retenues, ayant des niveaux de persillé relativement proches (Nicolazo de Barmon et al., 2024b). Les élevages ont été sélectionnés selon plusieurs critères :
- Ne garder que les carcasses de femelles âgées de plus 24 mois et pesant plus de 300 kg de carcasse. Cela a permis d’éviter les éleveurs qui commercialisent des animaux maigres ou très jeunes.
- Le nombre de carcasse fournies par le même élevage : seuls les élevages avec 5 carcasses ou plus ont été retenus. Cela a permis de sélectionner des élevages produisant des animaux suffisamment « homogènes » et d’être le plus représentatif de chaque exploitation. Les critères de tri ont permis de retenir 59 élevages (Figure 3).
Figure 3 : Schéma récapitulatif du dispositif expérimental
Une moyenne et un écart type a été calculé pour chaque élevage afin de les trier par ordre croissant de note moyenne de persillé. Le tiers inférieur constitue le groupe « persillé moins » (Pers-), composé de 15 éleveurs produisant en moyenne des animaux peu persillés. Le groupe persillé « plus » (Pers+) regroupe quant à lui 14 éleveurs du tiers supérieur, produisant les animaux les plus persillées. Les différences de persillé sont significativement différentes (P < 0,05). En effet, l’objectif était d’identifier des éleveurs produisant des animaux extrêmes en termes de persillé afin de s’assurer d’identifier des pratiques alimentaires susceptibles d’améliorer ce critère. Ces deux groupes d’éleveurs ont été sollicités pour réaliser des entretiens afin de caractériser la conduite des animaux produits.
3. Enquêtes en élevage sur la conduite des animaux
Les éleveurs ont été interrogés sur les conduites alimentaires de la naissance jusqu’à l’abattage des animaux élevés. Les données recueillies ont permis de calculer un certain nombre d’indicateurs (détaillés en Annexe 1) liés aux pratiques d’élevage des éleveurs.
Deux périodes (le jeune âge et la finition) ont fait l’objet d’une étude plus approfondie. En effet, elles sont identifiées par la littérature comme respectivement impliquées dans l’hyperplasie et l’hypertrophie des adipocytes (Figure 1) et donc sur la formation du persillé (Du et al., 2013 ; Nicolazo de Barmon et al., 2022). La période du jeune âge (0-12 mois) a été découpée en trois phases : Naissance à 5 mois, 5 à 8 mois et 8 à 12 mois, en fonction des changements de pratiques alimentaires. En effet, l’alimentation est principalement lactée entre 0 et 5 mois, puis l’animal ingère de plus en plus d’aliments solides de 5 à 8 mois. Cette dernière période est d’ailleurs identifiée comme ayant un rôle majeur sur le persillé : la « marbling window » (Du et al., 2013 ; Nicolazo de Barmon et al., 2022). Il a été décidé d’étudier également la période 8-12 mois, dans l’hypothèse où cette période d’intérêt serait plus étendue pour les races françaises que pour les animaux de type précoce utilisés dans l’étude de Du et al. (2013). Cette phase correspond au post sevrage puisque l’essentiel des éleveurs interrogés sèvrent autour de 8 mois. Les régimes alimentaires de ces deux dernières phases (5-8 et 8-12 mois) ont fait l’objet d’une classification en deux modalités (ad libitum et rationné) qui a permis de qualifier le niveau d’ingestion des rations distribuées pour les trois phases (0-5 mois, 5-8 mois, 8-12 mois).
La période comprise entre la phase du jeune âge et la finition a également été étudiée et découpée en deux phases : 1 an jusqu’au vêlage et vêlage - vache suitée. L’ensemble des composants des rations a été relevé et les conduites ont été classées à dire d’expert afin de caractériser leur niveau énergétique. Les régimes ont été classés en trois modalités : = (niveau énergétique moyen) ; + (niveau énergétique élevé) ; ++ (niveau énergétique très élevé). Plusieurs critères tels que la quantité de concentré, le type de fourrage, et la composition des rations ont été pris en compte pour réaliser cette classification.
D’autres critères comme la durée de finition et la composition de la ration d’engraissement ont été relevés au cours des enquêtes car elles sont considérées comme impactante sur le dépôt du persillé (Costa et al., 2013 ; Nicolazo de Barmon et al., 2022). Ces informations, associées aux caractéristiques des carcasses obtenues, ont ensuite permis d’approcher les valeurs alimentaires des rations à partir du logiciel INRATION (version 4).
4. Traitement statistique
Des tests de comparaison de moyenne ont été effectuées sur les variables quantitatives (durée de complémentation, âge au sevrage, durée de finition) afin de comparer les conduites des groupes Pers+ et Pers- (test de Student). Par ailleurs, des tests d’indépendance du Khi-deux sur R ont de voir si les distributions des données présentaient des différences entre les différentes variables qualitatives (type de complémentation (ad libitum vs rationné), des 2 groupes.
III.1. Caractérisation de l'échantillon
Comme le montre le Tableau 1, deux groupes d’éleveurs produisant des niveaux de persillé différents ont été constitués. Les niveaux de persillé des carcasses sont effectivement significativement différents selon le groupe considéré (2,2 ± 0,8 pour le groupe Pers- vs 3,7 ± 0,9 pour le groupe Pers+). Un observatoire réalisé entre 2021 et 2022 par l’Institut de l’Elevage pour INTERBEV dans plusieurs abattoirs français montre que la note moyenne de persillé des vaches Charolaises ou Limousines est située autour de 3 (Nicolazo de Barmon et al., 2024b). Les deux groupes identifiés présentent donc bien des carcasses aux notes « extrêmes » au vu des niveaux moyens observés sur les animaux allaitants français. Par ailleurs, les niveaux de persillé du groupe Pers+ montrent qu’il est possible de produire des animaux relativement persillés avec des races allaitantes françaises. Cela souligne l’intérêt de rechercher des leviers de pilotage du persillé, même pour ce type d’animaux.
Tableau 1 : Synthèse des caractéristiques des carcasses issues des élevages Pers- et Pers+
Les animaux produits par l’ensemble des éleveurs sont relativement lourds, autour de 455 kg de carcasse, alors que les moyennes nationales sont de 433 kg chez les Charolaises et 413 kg pour les Limousines. Les animaux de l’échantillon sont également plus jeunes (environ 5,5 ans vs 7,3 ans pour les Charolaises et de 8,3 ans pour les Limousines selon la BDNI) (Douguet et al., 2021). Aucune différence n’a été constatée sur les critères carcasses (poids, conformation, et état d’engraissement) entre les deux groupes (Tableau 1). Ce résultat peut sembler surprenant puisque certains travaux soulignent l’existence d’un lien modéré entre ces critères et les niveaux de persillé (Liu et al., 2020 ; Nicolazo de Barmon et al., 2024b). Les animaux persillés plus lourds, conformés et avec un état d’engraissement élevé (car mieux finis) ont tendance à être plus persillés (Nicolazo de Barmon et al., 2024b). La méthode de sélection des élevages peut être un élément explicatif de ce constat. En effet, comme évoqué précédemment, les carcasses légères et les animaux jeunes (moins de 24 mois) ont été écartés de l’échantillon afin de focaliser l’étude sur des éleveurs qui finissent leurs femelles. Cela a pu réduire l’hétérogénéité de l’échantillon sur ces aspects et ainsi gommer les différences qui auraient pu être constatées.
III.3. Etude des conduites alimentaires sur la période 0-12 mois
Il a été observé que les éleveurs des groupes Pers+ et Pers- conduisaient leurs veaux de façon relativement similaire en termes de durée et de modalité de complémentation sur le période 0-5 mois. Cependant, la majorité des éleveurs Pers+ (80%) ont des vêlages de printemps contrairement aux éleveurs Pers- qui ont des pratiques plus hétérogènes (Figure 4).
Des différences de conduites sont toutefois perceptibles entre 5 et 12 mois. En effet, sur cette période, le groupe Pers+ est caractérisé par une durée de complémentation presque deux fois plus longue (5,1 mois vs 2,6 mois) que le groupe Pers-.
Par ailleurs, les résultats montrent que les éleveurs du groupe « persillé + » sont plus nombreux à complémenter leurs animaux entre 5 et 8 mois. En effet, la majorité des éleveurs Pers+ complémentent (66%) contrairement aux éleveurs Pers- (21%) (Figure 5). Il est possible de faire le même constat pour la période 8-12 mois, même si le contraste est moins important. Sur cette période, 93% des éleveurs Pers+ distribuent des compléments contre seulement 57% chez les éleveurs Pers-. Sur ces deux périodes (5-8 mois et 8-12 mois), les éleveurs Pers+ ont tendance à complémenter de manière soutenue contrairement aux éleveurs Pers- qui rationnent leurs animaux. En effet, environ un tiers des éleveurs Persillé + complémentent leurs animaux de manière ad libitum pendant ces deux phases alors qu’aucun éleveur Persillé- ne complémentent de cette manière.
Il existe donc des différences importantes en matière de conduite alimentaire entre 5 et 8 mois, ce qui va dans le sens des résultats de Du et al. (2013).
Figure 4 : Périodes de vêlage des élevages étudiés
Différences significatives au seuil de 95% (*) - (Test du khi-deux)
Figure 5 : Conduites alimentaires mises en place dans les élevages enquêtés sur la phase 5-12 mois
Résultats du test du khi-deux : NS : différences non significatives ; différences significatives au seuil de 5% (*)
Tableau 2 : Niveau énergétique (classement à dire d’expert)
Dans le cadre de ce travail, la complémentation au jeune âge ne semble pas affecter l’état d’engraissement des carcasses puisqu’aucune différence n’a été observée sur ce critère entre les deux groupes (Tableau 1). Ce résultat corrobore ceux de Du et al. (2010) et Schoonmaker et al. (2002) qui montrent qu’une complémentation à partir d’environ 5 mois impacte le niveau de persillé sans impacter l’adiposité globale de la carcasse. Toutefois, il convient de rester prudent face à ces résultats puisqu’une même note d’état d’engraissement peut masquer une certaine variabilité. La réalisation de mesures plus fines visant à caractériser les dépôts adipeux de la carcasse permettrait de donner une réponse plus précise sur ce point.
III.4. L’élevage de la femelle et la période vache suitée
Les conduites alimentaires ont été classées en 3 catégories sur la base des informations données par l’éleveur : = (niveau énergétique modéré correspondant aux besoins nutritionnels stricts de l’animal), + (niveau énergétique élevé), et ++ (niveau énergétique très élevé). Les résultats montrent qu’il n’existe pas de différences significatives de pratiques entre les deux groupes, et ce, sur les deux périodes. Ces périodes ne semblent donc pas particulièrement impactantes sur le dépôt du persillé. Ces résultats corroborent ceux de Gotoh et al. (2018) et Koch et al. (2018) qui montrent que les effets de la complémentation au jeune âge sur le persillé sont conservés même après une période avec des rations moins énergétiques. Ces conclusions seront toutefois à conforter car ces dernières expérimentations ont été effectuées dans un contexte anglo-saxon avec des pratiques et des animaux spécifiques.
Par ailleurs, pendant la période « vaches suitées », les niveaux énergétiques ++ ont tendance à être davantage représentés chez les éleveurs Pers+ (43% vs 14% chez les Pers- (Tableau 2). Malgré tout, ces différences ne sont pas significatives. Cette période pourrait constituer un début d’engraissement des vaches de réforme et avoir ainsi un impact sur le persillé déposé.
III.5. Etude de la conduite alimentaire en finition
L’étude de la conduite de la vache en finition montre également des différences importantes entre les groupes Pers+ et Pers- (Figure 6). En effet, les éleveurs Pers+ finissent leurs animaux sur des longues périodes (5,7 ± 1,4 mois) contrairement aux éleveurs Pers- qui font le choix de finir sur de courtes durées (2,9 ± 0,9 mois). L’allongement de la durée de finition semble effectivement permettre d’augmenter le dépôt de persillé. Ce résultat corrobore celui de Vestergaard et al. (2017) qui montrent un gain de 1,8 point sur la teneur en lipides intramusculaires grâce à un allongement de deux mois de la durée de finition de vaches frisonnes. Ces résultats font également écho à ceux de Couvreur et al. (2013) qui observent que l’allongement de la durée de finition (142 jours vs 80, 106 et 86) permet aux vaches Rouge des Prés de déposer plus de persillé.
Les apports énergétiques journaliers des rations des éleveurs Pers+ sont significativement supérieurs (12,9 ± 1,7 UFV /j) aux apports des rations Pers- (11,6 ± 1,4 UFV/j). Il faut toutefois être prudent sur ces chiffres car les calculs de rations sont basés sur le poids de carcasse et les valeurs de référence INRAE des fourrages et concentrés. Ils doivent être utilisés afin de comparer les deux groupes mais ne peuvent constituer une référence pour réaliser du conseil aux éleveurs. Cette observation conforte toutefois les conclusions de Costa et al. (2013), Wang et al. (2019), Berthiaume et al. (2006), Schoonmaker et al. (2010) et Garmyn et al. (2010) qui font état de l’effet positif de l’augmentation du niveau énergétique sur le persillé. Wang et al. (2019) avaient, par exemple, observé que l’augmentation de la teneur en énergie métabolisable d’une ration de 10,12 MJ à 11,68 MJ se traduisait par une augmentation de la teneur en lipides intramusculaires de 5,4% à 9,2% dans le muscle long dorsal de jeunes bovins Holstein.
Dans le cadre de notre travail, aucune différence d’état d’engraissement n’a été notée entre les carcasses des deux groupes, mais cette seule référence n’est pas suffisante pour conclure sur l’impact de ces pratiques sur la quantité de gras présent sur la carcasse. Des essais en station expérimentales, avec des mesures plus fines (pesée des gras d’abattage, évaluation des gras intercostaux, de la veine de gras, notation du marbré, dissection de 6ème côte,…) sont nécessaires pour objectiver l’impact de l’augmentation du niveau énergétique de la ration sur ces autres gras.
D’autres indicateurs, comme la quantité de PDIN (Protéine digestible dans l’intestin permises par l’azote) , la nature de la ration de finition et la quantité de concentré ne sont pas significativement différents entre les groupes Pers+ et Pers-. Cette observation corrobore celle de Couvreur et al. (2013) qui comparent 4 types de ration à durée de finition variable (142, 80, 106 et 86 jours), à partir de compositions fourragères différentes. Ils n’identifient pas d’effet de la nature de la ration sur le niveau de persillé. Par ailleurs, d’autres travaux sur ce type d’animaux avaient déjà fait état du peu d’impact de la nature de la ration sur les différents dépôts adipeux (Lefebvre et al., 2013).
Tableau 3 : Caractéristiques des rations d’engraissement dans les élevages Pers- et Pers+ Variables
Figure 6 : Schéma récapitulatif des principales différences de conduites alimentaires entre les élevages Pers– et Pers+
CONCLUSION
Cette étude exploratoire montre que certains éleveurs réussissent à produire de manière régulière des femelles allaitantes plutôt persillées (avec une note de près de 4 sur la grille INTERBEV). Il est donc pertinent de poursuivre l’étude des leviers de pilotage du persillé pour les femelles des races allaitantes. Les objectifs de cette étude ont par ailleurs été atteints puisque des pistes de travail alimentaires concernant le pilotage du persillé ont été identifiées.
En premier lieu, la complémentation au jeune âge (entre 5 et 12 mois) semble être un levier impactant le dépôt de persillé déposé. Les éleveurs qui complémentent longtemps (5 mois) et à volonté pendant cette phase produisent des carcasses persillées. D’autres travaux sont toutefois nécessaires pour préciser la période à cibler (« marbling window ») afin d’impacter préférentiellement le persillé et d’objectiver le poids relatif de cette période vis-à-vis des autres phases de la vie de l’animal.
Enfin, les résultats confirment clairement que les finitions longues et riches en énergie impactent positivement le persillé, cela rejoint les résultats de bon nombre de publications antérieures.
Aux vues des résultats obtenus, deux leviers alimentaires majeurs semblent donc se dégager : la complémentation au jeune âge et les pratiques de finition. Il semble important de travailler sur ces deux périodes pour maximiser le dépôt de persillé mais il n’a pas été possible de hiérarchiser le poids de ces pratiques liés aux deux périodes à cause du faible effectif. Il pourrait être pertinent d'étudier des conduites d'élevage spécifiques et potentiellement économes. Une des pistes pourrait être une période de finition courte et peu soutenue en énergie, précédée par une alimentation soutenue dans le jeune âge (tout en restant de faibles quantités quotidiennes dues à la faible capacité d'ingestion des animaux jeunes). Cela permettrait d’investiguer la possibilité de produire des viandes persillées avec des itinéraires techniques plus efficients à l’échelle de la vie de l’animal.
Le présent travail a donc permis de dégager des pistes liées à la conduite alimentaire et à la sélection génétique qu’il faudra valider grâce à des essais en stations expérimentales. Ce travail visera à identifier des itinéraires techniques permettant de produire des viandes persillées tout en assurant une bonne rentabilité de leur activité.
Un essai en station expérimentale piloté par l’Institut de l’Elevage est actuellement en cours. L’objectif est de mesurer l’impact sur les qualités des carcasses et des viandes de deux niveaux énergétiques de rations de vaches charolaises couplés à deux durées de finition. Les coûts liés aux différents itinéraires techniques seront chiffrés afin d’identifier les plus pertinents à utiliser d’un point de vue technico-économique.
Des essais en stations expérimentales, conduits dans des conditions maîtrisées et toute chose égale par ailleurs, permettraient de mesurer précisément les effets de telle ou telle conduite, confirmant ou non l’intérêt des pistes identifiées. La mise en place de ce type d’essais est indispensable pour approfondir l’étude de ces mécanismes, en mesurer finement les effets et valider l’intérêt de ces pratiques d’un point de vue scientifique et technique. Ces travaux devraient permettre d’identifier les pratiques les plus efficientes pour maximiser les dépôts de persillé de femelles de races allaitantes tout en assurant la rentabilité des exploitations.
Par ailleurs, des travaux de mise au point d’outils de phénotypage du persillé (en vif et en carcasse) vont être initiés. Utilisés à haut débit, ces outils permettraient aux acteurs de la génétique bovine de sélectionner les animaux sur ce critère. L’ensemble de ces travaux, complétés par le déploiement du référentiel de mesure, vise à accompagner les maillons de la filière sur ce sujet. Cette démarche vise à mieux répondre aux attentes des consommateurs sur le plan de la qualité organoleptique de la viande bovine et ainsi contribuer à la pérennité de la filière.
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Annexe 1 : Tableau récapitulatif des indicateurs calculés sur la base des informations collectées en élevage