Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

 A la une ...


 
 

 

DERNIERS ARTICLES PARUS

Résumés - Environnement

Le but de cette étude est de donner une image plus complète de l’impact environnemental de différentes habitudes alimentaires dans divers pays européens (Chypre, Estonie, Finlande, Portugal, Slovénie). Utilisant l’analyse du cycle de vie, les résultats montrent que, pour les cinq pays, l’impact environnemental total est le résultat de la quantité de consommation d’un produit spécifique combinée à l’intensité de cet impact. En particulier, les produits issus de l’élevage (viandes, œufs, produits laitiers) entraînent des conséquences sur toutes les catégories d’impacts. A l’inverse, les phases de transport et de commercialisation ne contribuent que très peu au dommage total. En plus des pratiques agricoles et du niveau de consommation des produits alimentaires, l’impact est considérablement influencé par le type d’aliments consommés, soulignant ainsi l’importance de nos choix alimentaires.

Si l’élevage contribue fortement au changement climatique, celui-ci a également des impacts négatifs directs et indirects sur l’élevage. L’agroécologie représente une voie pour aider l’élevage européen à relever les défis posés par le changement climatique, en réduisant son empreinte écologique et en rendant les exploitations à la fois plus autonomes et moins vulnérables aux aléas. Pour ce faire, il serait pertinent de développer et d’utiliser la diversité animale au sein des fermes et des territoires, de valoriser les services rendus par l’élevage et de mieux répartir le bétail selon les ressources localement disponibles. Ces trois points prennent tout leur sens dans la reconnexion des activités d’élevage avec l’environnement physique et avec les cultures. Pour accompagner la transition agro-écologique, il est nécessaire de faire évoluer les compétences des éleveurs, changer les approches déployées dans l’enseignement et le conseil et modifier les politiques agricoles et territoriales. Ces dynamiques sont d’ores et déjà à l’œuvre et devront être poursuivies, en intégrant les dimensions économiques, socio-politiques et institutionnelles non développées ici.

INTERBEV, l’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes a participé à l’expérimentation d’un affichage environnemental des produits alimentaires, promulgué initialement par la loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire) puis par la loi « Climat et Résilience ». L’objectif principal pour INTERBEV était de contribuer à l’évolution des méthodologies environnementales basées sur l’ACV (Analyse de Cycle de Vie) et des données de la base d’inventaires du cycle de vie (ICV) Agribalyse®. Les méthodes ACV telles que développées aujourd’hui et les ICV disponibles pour l’agriculture présentent actuellement des lacunes et s'avèrent par construction défavorables aux viandes de ruminants, dont la production est inscrite dans un cycle de vie long. A l’inverse, les bénéfices environnementaux reconnus par la société et les politiques publiques, liés notamment à la valorisation des prairies et aux services associés (par exemple biodiversité, stockage de carbone), ne sont pas intégrés. Ce projet a permis de rebalayer les indicateurs existants – en ACV ou hors-ACV – visant en partie à combler ces manques et de requestionner certains aspects de la méthodologie utilisée dans les ICV Agribalyse (allocation, indicateur « changement climatique », usage des sols). Différentes modalités de pondération et d’agrégation ont ensuite été testées, en intégrant les attentes des consommateurs et les enjeux prioritaires identifiés à la fois par les parties prenantes (ONG notamment) et par les acteurs de la filière. Les travaux montrent qu’une évaluation et un affichage alternatifs à ceux basés sur la seule ACV est non seulement possible mais indispensable pour une vision complète des systèmes agricoles et un choix éclairé des consommateurs.

Cet article propose une synthèse de la contribution des filières de l’élevage mondial à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations-Unies. Il est organisé autour de quatre priorités : 1/ sécurité alimentaire et nutrition, 2/ moyens de subsistance et croissance économique, 3/ santé publique et santé animale y compris bien-être animal et enfin, 4/ gestion des ressources naturelles et climat. Cet article présente des exemples chiffrés des impacts du secteur, tant négatifs que positifs, et proposent des pistes d’améliorations afin que l’élevage contribue à la transition vers des systèmes alimentaires plus durables.

L’Association Française de Zootechnie (AFZ) a organisé trois webinaires afin de faire l’état des lieux des connaissances relatives à l’évaluation environnementale des produits animaux, dans la perspective de la mise en place de l’affichage environnemental des produits alimentaires. Cet article résume les neuf interventions et les débats qui les ont suivis. Le premier webinaire a permis de positionner la problématique de l’évaluation environnementale des systèmes d’élevage et de leurs produits, dans le cadre plus large d’une alimentation durable, telle qu’elle est envisagée par la FAO, soulignant ainsi que, selon les pays, les solutions sont très diverses aussi bien en termes d’évolution des systèmes d’élevage que de niveau de production et de consommation. Le second webinaire était consacré à la présentation des méthodologies et des données disponibles pour l’évaluation environnementale des systèmes d’élevage et des produits animaux. Le troisième webinaire s’est intéressé à l’affichage environnemental des produits alimentaires avec une première intervention sur les avantages et limites des approches mises en œuvre pour identifier des choix alimentaires plus durables, suivie de trois présentations relatives à l’expérimentation d’affichage conduite par le Ministère de la Transition Écologique en partenariat avec des acteurs de terrain. Les différentes présentations soulignent l’importance des acquis méthodologiques et des données disponibles, même si des améliorations restent à apporter, en particulier pour mieux prendre en compte les spécificités des systèmes d’élevage herbagers et biologiques. Par ailleurs, les expérimentations d’affichage confirment l’intérêt des consommateurs pour une information explicite sur l’impact environnemental des produits alimentaires.

La répartition des impacts environnementaux entre différents produits d’un système multi-produits est une question cruciale en Analyse du Cycle de Vie (ACV). Les standards (ISO, 2006a, 2006b) recommandent la subdivision, puis la substitution, lorsque cela est possible. Cependant, l’allocation est souvent nécessaire. Elle consiste à allouer aux différents coproduits une part de l’impact total du système, proportionnellement à des valeurs caractérisant le système et les coproduits qu’il génère. Dans cet article, les coproduits désignent l’ensemble des produits sortant du système, comprenant les produits principaux (viande) et les sous-produits (le reste). L’allocation peut ainsi se baser sur des paramètres physiques (tels que la masse, la valeur protéique ou encore la teneur en matière sèche) ou encore sur la valeur économique des coproduits. La variété des paramètres évoqués conduit à de possibles résultats contrastés selon la règle d’allocation utilisée. De ces différences, naissent des discussions entre acteurs et un consensus est souvent difficile à atteindre, comme dans le cas du secteur de la viande. Pour alimenter encore le débat, Chen et al. (2017) ont proposé une nouvelle méthode d’allocation basée sur des paramètres biophysiques. En adaptant et développant des méthodes existantes, ce travail propose ainsi d’allouer les impacts environnementaux proportionnellement à l’énergie nécessaire à la croissance, l’entretien et l’activité de chaque tissu. La méthode a été jugée scientifiquement viable mais particulièrement difficile à appliquer du fait de la quantité importante de données nécessaires et de la complexité des modèles de calcul (la répartition de l’énergie dans les tissus dépend en effet par exemple de la race, de l’âge de l’animal ou encore du mode d’élevage). L’article suivant présente le développement d’un logiciel libre pour faciliter le calcul de ces facteurs pour les méthodes d’allocation biophysique, économique et massique. MeatPartTool permet également l’accès à une base de données de facteurs calculés pour nombre d’espèces de bovins et ovins selon les trois méthodes. Ainsi, la base de données créée contient les facteurs d’allocation à la sortie de l’abattoir pour 132 bovins (hors veaux), 54 veaux et 14 ovins. En cela, l’outil et la base de données n’ont pas pour vocation de résoudre le consensus, mais de faciliter le calcul de facteurs d’allocation selon trois méthodes distinctes et pour une grande variété d’animaux afin d’aider les acteurs de la filière à faire des choix éclairés. La base de données a fait l’objet d’un data paper publié (en Open Access) dans une revue à comité de lecture (Le Féon et al., 2020a).

Load More

Abonnez-vous !

Recevez notre Newsletter chaque trimestre. Vous êtes actuellement 5528 abonnés. VERIFIEZ DANS LES SPAMS ET ENREGISTRER L'EXPEDITEUR DANS VOTRE CARNET D'ADRESSES

Edito

Science, ingérences et persillé

Les débats sur l’avenir de l’élevage et la viande ont bien du mal aujourd’hui à se départir d’un faisceau d’apriori idéologiques, de visées politiques mais aussi d’arrière-pensées commerciales. Un rapport de l’Ecole de guerre économique présenté début décembre dans les salons du Sénat à l’initiative du sénateur du Morbihan Yves Bleunven a ainsi mis au jour les troublantes connections entre les associations animalistes et environnementalistes œuvrant en Europe, les associations « philanthropiques » américaines qui les subventionnent et les investisseurs de la « foodtech » d’Outre-Atlantique qui ont misé d’énormes sommes sur les profits éventuels à tirer des alternatives végétales et de la « viande » artificielle. Entre 2017 et 2022, l’une de ces associations -qui s’est fait connaitre par la diffusion de vidéos-chocs tournées dans des élevages et des abattoirs- a reçu pas moins de 6,1 millions de dollars, dont une part importante provenant de l'Open Philanthropy Project (OPP). En seulement six ans, écrivent les auteurs, les dons à cette association groupusculaire ont triplé, « atteignant plus de 3M$ en 2023 ». Depuis 2016, la fondation a alloué plus de 40 M€ à diverses organisations animalistes, principalement en Europe, « afin d’influencer les débats politiques et réglementaires (notamment lors des débats sur la bientraitance animale ou de la directive IED) », affirment les auteurs. Le rapport pointe également les liens flagrants entre organisations philanthropiques et investisseurs des alternatives à la viande. Les auteurs montrent notamment comment les fondateurs des associations Mercy for Animals et PETA ont fondé le Good food institute, chargé de soutenir la « foodtech ». Entre 2014 et 2023, ce fonds « a financé la recherche et le lobbying du secteur à hauteur de 21 millions de dollars ». Une ingérence aujourd’hui encore insuffisamment prise au sérieux par l’agriculture et l’agroalimentaire européens « pour lesquels il s’agit pourtant d’une question de souveraineté », estime le sénateur Yves Bleunven.
Contre toutes les simplifications, les raccourcis ou les parti-pris plus ou moins honnêtes ciblant l’élevage et la viande, plusieurs dizaines de chercheurs ont lancé un nouvel appel « de Denver » en faveur « d’une politique guidée par le souci d’une alimentation adaptée ». « Le discrédit généralisé de la viande, des produits laitiers et des œufs doit cesser afin que nous puissions revenir à des recommandations alimentaires pleinement fondées sur des preuves scientifiques, économiquement et culturellement appropriées, qui nourrissent et respectent à la fois les consommateurs et les producteurs de ces aliments, au lieu de les discréditer sans cesse », écrivent-ils, dans le prolongement de la déclaration de Dublin, prononcée en 2022 sur le rôle sociétal de l'élevage signée par plus de 1 200 scientifiques du monde entier.
https://www.dublin-declaration.org/fr/lappel-a-action-de-denver
Bien loin de ces débats idéologiques et surtout mercantiles, ce numéro de VPC s’attache à une caractéristique essentielle de la viande bovine dans le plaisir que sa consommation procure : le persillé. En six articles, nous espérons répondre à tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur ce sujet peut-être moins clivant que celui de la viande artificielle mais pas si anodin pour l’orientation de la filière bovine française. Ainsi, les chercheurs continuent de travailler sans relâche car il convient de ne pas détourner l’attention du grand public de l’essentiel, à savoir la nécessité de s’appuyer sur la science pour correctement évaluer et améliorer les systèmes d’élevage et la qualité de leurs produits dont celle de la viande.

Bruno CARLHIAN et Jean-François HOCQUETTE