Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

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Résumés - Process et Technologies

De nos jours, il est important de rendre accessible à toute la société les résultats des recherches scientifiques d’une manière simple et compréhensible. Cet objectif est à l’origine du mouvement de la Science Ouverte. Ce mouvement utilise des outils disponibles sur internet, des publications et des données librement accessibles ou encore des travaux collaboratifs entre chercheurs et acteurs de la société. Le dictionnaire de la viande, élaboré par l’Académie de la viande, a servi de source pour créer un thésaurus spécifique à la viande et qui pourra être utile à différents acteurs de la filière, y compris les consommateurs. Le thésaurus de la viande contient 1505 concepts décrivant différentes facettes de la filière viande, tels que le marché et la commercialisation de la viande, l’abattage, les préparations culinaires, etc. La construction du thésaurus a été réalisée par une équipe pluridisciplinaire constituée d’experts du web sémantique, de la biologie de la viande ainsi que d’experts du vocabulaire de la viande. Ce thésaurus présente plusieurs avantages. Tout d’abord, il peut être utilisé pour indexer des articles, des revues et des jeux de données, facilitant ainsi leur consultation par des professionnels, des consommateurs, des scientifiques, journalistes ou encore des étudiants. Il peut également servir de base pour la construction d’une ontologie qui est une description formelle de la connaissance d’un domaine servant à réaliser des raisonnements à partir de données. Le thésaurus peut également permettre d’enrichir d’autres vocabulaires pour y apporter de nouvelles connaissances, comme des spécificités françaises au niveau des découpes de viande ou des termes et des définitions.

Dans le cadre du consortium européen Gemqual, 436 jeunes bovins issus de 15 races bovines différentes ont été conduits dans des systèmes d'élevage similaires afin d'évaluer l'impact de la race sur la qualité organoleptique de la viande déterminée par analyse sensorielle. Une comparaison de deux méthodes statistiques pour traiter les données de l'analyse sensorielle a tout d'abord été réalisée. L'analyse de variance avec ou sans effet dégustateur a abouti à des résultats similaires indiquant que ce choix méthodologique n'est pas décisif pour l'interprétation des résultats. Une classification non supervisée (classification ascendante hiérarchique) a ensuite permis de classer les races en fonction de trois profils sensoriels sur la base de 4 descripteurs (tendreté, jutosité, intensité de flaveur et flaveur anormale). Elle permet de mettre en évidence 5 associations de races. : Les races Aberdeen Angus, Highland et Jersey, qui ont une teneur élevée en lipides dans le muscle étudié (Longissimus thoracis), se sont distinguées des autres races par une flaveur de bœuf plus élevée. Les races mixtes et rustiques, Simmental, Casina et Marchigiana, ont produit une viande significativement moins juteuse et moins tendre que celle des races sélectionnées pour la production de viande. Les trois autres associations suivantes rassemblent les races Limousine et Charolaise dont le profil semble assez proche, les races Pirenaica et Avilena tendres et fortement appréciées par les panélistes, les races Asturiana de los Valles et Piemontaise caractérisées par une flaveur anormale plus intense.
Dans l'ensemble, malgré des différences significatives de caractéristiques de l'animal, de la carcasse et du muscle, les différences de qualité sensorielle entre la plupart des races étaient faibles, avec seulement des différences significatives entre les quelques races qui présentaient des profils sensoriels extrêmes (comme la Simmental et la Pirenaica).

La production d'agneau de lait des Pyrénées est un moyen de contribuer à l'activité économique des Pyrénées, au maintien des éleveurs ovins, à la préservation de l'environnement et de la vie de la région. Afin de défendre ce produit, il est nécessaire de réévaluer précisément l'intérêt du croisement entre races locales laitières et les races à viande locales pyrénéennes, en termes de gain de croissance et de poids à l'abattage, mais aussi de conformation et d'adaptation au marché. L’essai a comparé des agneaux de race pure et des agneaux croisés, soit avec des races bouchères, soit avec la race Montagne Noire. Conformément aux retours des professionnels du terrain, les agneaux de race pure ont des performances de croissance plus faibles et présentent un poids à l’abattage et un poids de carcasse plus légers que les agneaux croisés. Le croisement semble affecter la couleur des gras et notamment l’indice de jaune (b*), les gras des agneaux de race pure étant significativement moins jaunes que ceux des animaux croisés. Le croisement affecte également la couleur des muscles, les agneaux croisés Montagne Noire et de race pure présentant des viandes plus claires que les agneaux croisés avec d’autres races. Dans notre travail, nous avons établi que les agneaux de race pure produisaient une viande légèrement plus dure que les agneaux croisés Montagne Noire et significativement plus dure que les agneaux issus d’autres croisements. Ce travail exploratoire donne ainsi des premiers éléments de caractérisation de races et de croisements jusqu’alors peu traités dans la littérature.

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Edito

Science, ingérences et persillé

Les débats sur l’avenir de l’élevage et la viande ont bien du mal aujourd’hui à se départir d’un faisceau d’apriori idéologiques, de visées politiques mais aussi d’arrière-pensées commerciales. Un rapport de l’Ecole de guerre économique présenté début décembre dans les salons du Sénat à l’initiative du sénateur du Morbihan Yves Bleunven a ainsi mis au jour les troublantes connections entre les associations animalistes et environnementalistes œuvrant en Europe, les associations « philanthropiques » américaines qui les subventionnent et les investisseurs de la « foodtech » d’Outre-Atlantique qui ont misé d’énormes sommes sur les profits éventuels à tirer des alternatives végétales et de la « viande » artificielle. Entre 2017 et 2022, l’une de ces associations -qui s’est fait connaitre par la diffusion de vidéos-chocs tournées dans des élevages et des abattoirs- a reçu pas moins de 6,1 millions de dollars, dont une part importante provenant de l'Open Philanthropy Project (OPP). En seulement six ans, écrivent les auteurs, les dons à cette association groupusculaire ont triplé, « atteignant plus de 3M$ en 2023 ». Depuis 2016, la fondation a alloué plus de 40 M€ à diverses organisations animalistes, principalement en Europe, « afin d’influencer les débats politiques et réglementaires (notamment lors des débats sur la bientraitance animale ou de la directive IED) », affirment les auteurs. Le rapport pointe également les liens flagrants entre organisations philanthropiques et investisseurs des alternatives à la viande. Les auteurs montrent notamment comment les fondateurs des associations Mercy for Animals et PETA ont fondé le Good food institute, chargé de soutenir la « foodtech ». Entre 2014 et 2023, ce fonds « a financé la recherche et le lobbying du secteur à hauteur de 21 millions de dollars ». Une ingérence aujourd’hui encore insuffisamment prise au sérieux par l’agriculture et l’agroalimentaire européens « pour lesquels il s’agit pourtant d’une question de souveraineté », estime le sénateur Yves Bleunven.
Contre toutes les simplifications, les raccourcis ou les parti-pris plus ou moins honnêtes ciblant l’élevage et la viande, plusieurs dizaines de chercheurs ont lancé un nouvel appel « de Denver » en faveur « d’une politique guidée par le souci d’une alimentation adaptée ». « Le discrédit généralisé de la viande, des produits laitiers et des œufs doit cesser afin que nous puissions revenir à des recommandations alimentaires pleinement fondées sur des preuves scientifiques, économiquement et culturellement appropriées, qui nourrissent et respectent à la fois les consommateurs et les producteurs de ces aliments, au lieu de les discréditer sans cesse », écrivent-ils, dans le prolongement de la déclaration de Dublin, prononcée en 2022 sur le rôle sociétal de l'élevage signée par plus de 1 200 scientifiques du monde entier.
https://www.dublin-declaration.org/fr/lappel-a-action-de-denver
Bien loin de ces débats idéologiques et surtout mercantiles, ce numéro de VPC s’attache à une caractéristique essentielle de la viande bovine dans le plaisir que sa consommation procure : le persillé. En six articles, nous espérons répondre à tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur ce sujet peut-être moins clivant que celui de la viande artificielle mais pas si anodin pour l’orientation de la filière bovine française. Ainsi, les chercheurs continuent de travailler sans relâche car il convient de ne pas détourner l’attention du grand public de l’essentiel, à savoir la nécessité de s’appuyer sur la science pour correctement évaluer et améliorer les systèmes d’élevage et la qualité de leurs produits dont celle de la viande.

Bruno CARLHIAN et Jean-François HOCQUETTE