Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

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Résumés - Process et Technologies

Le projet "GREENANIMO" est un projet de collaboration entre l'Université de Trakia en Bulgarie, INRAE en France et le SRUC en Ecosse. Il porte sur l’élevage des herbivores selon les principes de l’agroécologie et sur la qualité de la viande. Le projet est structuré selon quatre thèmes : « Amélioration de la qualité de la viande » ; « Augmentation de l'efficacité alimentaire » ; « Amélioration du bien-être animal » ; « Conception de systèmes d'élevage de ruminants durables ». Cette session était ouverte à tous les chercheurs du projet GREENANIMO mais aussi à tout chercheur en dehors de ce projet ayant une activité scientifique liée à un de ces quatre thèmes.

Les posters associés à cette session ont été affichés les deux premiers jours du congrès joint EAAP/WAAP. Ils ont présenté les dernières recherches scientifiques relatives aux méthodes de classements de carcasses de bœuf, agneau et porc. Les études conduites sur trois continents montrent un engouement de la filière viande pour l’utilisation de méthodes innovantes de prédictions de la qualité des carcasses. Les résultats de ces études démontrent un grand potentiel de détermination des caractéristiques des carcasses pour aider la filière viande à répondre à différents enjeux tels que les prédictions du rendement, de la composition et de la qualité des carcasses. L’utilisation de ces outils de prédiction pourra guider la création de filières de qualité garantie et permettra à la filière de répondre aux besoins des consommateurs qui sont au centre de l’attention.

Cette session, qui s’est tenue lors du récent congrès joint EAAP/WAAP à Lyon, a permis de présenter des résultats de recherche sur le classement des carcasses pour prédire la valeur réelle des carcasses, qui est le produit de la qualité sensorielle des pièces de boucherie vendues (déterminant le prix/kg) et du rendement en viande maigre qui, lui-même, prédit les poids des différentes pièces de viande. Les résultats montrent clairement qu'il est possible de développer des systèmes de classement commercial plus sophistiqués étayant la véritable valeur des carcasses en utilisant à la fois des technologies de classement des carcasses traditionnelles et modernes, étroitement liées à la prédiction de la qualité gustative à l'aide de tests sensoriels avec des consommateurs non entrainés. Les nouvelles technologies de classement basées sur des appareils à rayons X et sur des caméras, combinées à des normes statistiques rigoureuses, conduiront à des précisions améliorées et même à de nouveaux critères tels que la teneur en gras intramusculaire mesurée chimiquement pour remplacer le classement visuel du persillé par l'homme. Cela facilitera également l'utilisation systématique des caractéristiques des carcasses pour étayer les programmes commerciaux d'évaluation génétique.

La filière de l’élevage connaît en Chine une évolution notable vers la qualité et la durabilité, portée par les efforts de collaboration à l’échelle mondiale et les progrès de la recherche. Cet article, qui est une compilation des travaux présentés au congrès EAAP (session 30), donne un aperçu des sujets clés de de la filière viande en Chine, en France et en Australie, allant de l'évaluation de la qualité des produits vers le développement durable du secteur de la viande en passant par la coopération triangulaire entre la France, la Chine et l’Australie jusqu'aux caractéristiques de qualité et à la réglementation de la viande et de la production de viande. De plus, cet article explore les perceptions des consommateurs et les facteurs affectant les qualités sensorielles, ainsi que l'évaluation du persillé chez les bovins français. En outre, il explore la relation complexe entre la nutrition, le métabolisme et l’efficacité de la production de viande bovine et ovine. À travers un ensemble de résultats de recherche, cet article met en lumière le paysage multiforme de l'élevage en Chine et les facteurs évolutifs qui influencent sa croissance.

La filière bovine est structurée par deux types de consommation : les achats du quotidien orientés vers des produits économiques en portions tendres, souvent transformés (comme le steak haché) et les achats plaisir orientés vers une recherche de plaisir gustatif et la satisfaction de critères sociétaux et environnementaux.
Toutefois, il est difficile pour la filière de garantir des produits réguliers et homogènes pour satisfaire les consommateurs. Ces inadéquations proviennent des systèmes actuels de notation des carcasses. Ainsi, les professionnels rencontrés apparaissent favorables à un changement de système de notation basé sur un système de prédiction des qualités sensorielles qui pourrait s’inspirer de systèmes étrangers comme le "Meat Standards Australia" pour les pièces de boucherie. Un tel système, par sa segmentation, pourrait répondre aux attentes des deux types de consommation, quotidienne et plaisir, permettant de générer une plus-value pour l’ensemble de la filière comme c’est le cas en Australie. Toutefois, la diversité des organisations aux intérêts parfois divergents rend très peu probable, à court terme, la mise en place d’un système de prédiction à l’échelle de la filière. Ainsi, la mise en place d’un système de prédiction des carcasses découlerait plus probablement d’une initiative individuelle. Les maillons où une initiative individuelle est la plus probable sont, d'une part, la grande distribution pour laquelle le levier déclencheur réside dans la diffusion des connaissances et, d'autre part, les entreprises de viande indépendantes de l'élevage qui souhaitent assurer un approvisionnement régulier et qualitatif. Les freins économiques, opérationnels, politiques et de connaissances rendent en revanche peu probable l’initiative d’un développement collectif ou par l’amont de la filière d’un système de prédiction de la qualité sensorielles des viandes bovines. Toutefois, une faible probabilité existe, elle dépend de la perception d’une éventuelle opportunité socio-économique par une organisation novatrice ou de l’évolution de la réglementation européenne.

La filière viande bovine française a connu une amélioration des performances bouchères des animaux ces 40 dernières années, tout en réduisant l’adiposité des carcasses, et par voie de conséquence le niveau de persillé des viandes. L’importance d’une infiltration de gras dans la viande, ou « persillé », a récemment été de nouveau démontrée pour des raisons liées à la qualité organoleptique de la viande. INTERBEV (l’interprofession française du bétail et des viandes) en a ainsi fait un axe d’amélioration de la qualité de la viande bovine dans le cadre de son plan de filière afin d’améliorer la qualité sensorielle de la viande proposée aux consommateurs. Cependant, les leviers activables en élevage pour produire des viandes persillées mériteraient d’être mieux connus en France. Le présent travail bibliographique entend faire un point le plus exhaustif possible sur les facteurs d’élevage liés à l’animal ou à l’alimentation qui permettent d’améliorer le dépôt de persillé dans les viandes bovines.

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Edito

Science, ingérences et persillé

Les débats sur l’avenir de l’élevage et la viande ont bien du mal aujourd’hui à se départir d’un faisceau d’apriori idéologiques, de visées politiques mais aussi d’arrière-pensées commerciales. Un rapport de l’Ecole de guerre économique présenté début décembre dans les salons du Sénat à l’initiative du sénateur du Morbihan Yves Bleunven a ainsi mis au jour les troublantes connections entre les associations animalistes et environnementalistes œuvrant en Europe, les associations « philanthropiques » américaines qui les subventionnent et les investisseurs de la « foodtech » d’Outre-Atlantique qui ont misé d’énormes sommes sur les profits éventuels à tirer des alternatives végétales et de la « viande » artificielle. Entre 2017 et 2022, l’une de ces associations -qui s’est fait connaitre par la diffusion de vidéos-chocs tournées dans des élevages et des abattoirs- a reçu pas moins de 6,1 millions de dollars, dont une part importante provenant de l'Open Philanthropy Project (OPP). En seulement six ans, écrivent les auteurs, les dons à cette association groupusculaire ont triplé, « atteignant plus de 3M$ en 2023 ». Depuis 2016, la fondation a alloué plus de 40 M€ à diverses organisations animalistes, principalement en Europe, « afin d’influencer les débats politiques et réglementaires (notamment lors des débats sur la bientraitance animale ou de la directive IED) », affirment les auteurs. Le rapport pointe également les liens flagrants entre organisations philanthropiques et investisseurs des alternatives à la viande. Les auteurs montrent notamment comment les fondateurs des associations Mercy for Animals et PETA ont fondé le Good food institute, chargé de soutenir la « foodtech ». Entre 2014 et 2023, ce fonds « a financé la recherche et le lobbying du secteur à hauteur de 21 millions de dollars ». Une ingérence aujourd’hui encore insuffisamment prise au sérieux par l’agriculture et l’agroalimentaire européens « pour lesquels il s’agit pourtant d’une question de souveraineté », estime le sénateur Yves Bleunven.
Contre toutes les simplifications, les raccourcis ou les parti-pris plus ou moins honnêtes ciblant l’élevage et la viande, plusieurs dizaines de chercheurs ont lancé un nouvel appel « de Denver » en faveur « d’une politique guidée par le souci d’une alimentation adaptée ». « Le discrédit généralisé de la viande, des produits laitiers et des œufs doit cesser afin que nous puissions revenir à des recommandations alimentaires pleinement fondées sur des preuves scientifiques, économiquement et culturellement appropriées, qui nourrissent et respectent à la fois les consommateurs et les producteurs de ces aliments, au lieu de les discréditer sans cesse », écrivent-ils, dans le prolongement de la déclaration de Dublin, prononcée en 2022 sur le rôle sociétal de l'élevage signée par plus de 1 200 scientifiques du monde entier.
https://www.dublin-declaration.org/fr/lappel-a-action-de-denver
Bien loin de ces débats idéologiques et surtout mercantiles, ce numéro de VPC s’attache à une caractéristique essentielle de la viande bovine dans le plaisir que sa consommation procure : le persillé. En six articles, nous espérons répondre à tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur ce sujet peut-être moins clivant que celui de la viande artificielle mais pas si anodin pour l’orientation de la filière bovine française. Ainsi, les chercheurs continuent de travailler sans relâche car il convient de ne pas détourner l’attention du grand public de l’essentiel, à savoir la nécessité de s’appuyer sur la science pour correctement évaluer et améliorer les systèmes d’élevage et la qualité de leurs produits dont celle de la viande.

Bruno CARLHIAN et Jean-François HOCQUETTE