Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

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Impact environnemental des régimes alimentaires

 

Analyse du Cycle de Vie comparative pour évaluer l’impact environnemental de plusieurs habitudes alimentaires européennes.
 
Cet article compare le régime alimentaire moyen de cinq pays européens par la méthode ACV avec ses limites décrites dans d’autres articles. Il est observé l’impact déjà bien connu du niveau de consommation alimentaire, notamment des produits issus de l’élevage (viandes, œufs, produits laitiers) mais avec de grandes variations entre pays. Il permet de comprendre un peu mieux la complexité de l’impact des régimes alimentaires par le biais de l’analyse du cycle de vie.

INTRODUCTION

Pour faire face au changement climatique et nourrir une population croissante, un système alimentaire plus durable s’avère nécessaire. En affectant l’environnement et en étant en même temps impactés par le changement climatique, les systèmes alimentaires sont simultanément le problème et la solution.
De plus, si le contexte socio-économique continue à évoluer à l’échelle mondiale vers un mode de vie occidental, avec ses habitudes alimentaires, la pression environnementale ne devrait qu’amplifier (Vermeulen et al., 2012). D’après Bryngelsson et al. (2016), « à l’échelle européenne, un changement de régime alimentaire a plus de potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’un possible scenario de progrès technique ». Nos habitudes alimentaires ont en effet une répercussion importante sur l’environnement et par conséquent les choix que nous faisons jouent un rôle significatif.
Le but de cette étude est d’évaluer l’impact environnemental du Régime alimentaire Moyen (RM) de cinq pays : Chypre, Estonie, Finlande, Slovénie et Portugal. Ces pays ont été choisis en fonction de leurs habitudes alimentaires contrastées et qui diffèrent par rapport aux autres pays européens. Par exemple, le Régime alimentaire Moyen Finnois (RMFI) présente la plus grande consommation de produits laitiers et le Régime alimentaire Moyen Portugais (RMPT) la plus grande consommation de poissons. Tous ces pays présentent des différences culturelles qui transparaissent dans leur consommation alimentaire. Ainsi, le Régime alimentaire Moyen Chypriote (RMCY) est composé pour moitié de légumes et de produits laitiers, et le Régime alimentaire Moyen Estonien (RMEE) pour moitié de fruits et de produits laitiers. Concernant le RMFI, un tiers du régime alimentaire est composé de produits laitiers. Enfin, la moitié du Régime alimentaire Moyen Slovène (RMSL) est composé de viandes et de produits céréaliers.
Ces pays présentent aussi des différences dans les pratiques agricoles. En Estonie en 2018, en moyenne 20% de la surface agricole utile était conduite en agriculture biologique contre moins de 5% à Chypre (Eurostat). L’utilisation moyenne de pesticides par hectare de pesticides est à peu près dix fois plus élevée à Chypre qu’en Estonie ou en Finlande (Eurostat). L’empreinte d’eau bleue à Chypre et au Portugal est relativement élevée comparé aux autres pays, dont l’Estonie où l’utilisation d’eau bleue est quasiment nulle (Mekonnen et al., 2010). Concernant la gestion des déchets municipaux, des pratiques diverses sont également mises en œuvre. A Chypre, 70% des déchets sont enfouis alors qu’en Estonie et Finlande respectivement 40% et 60% sont incinérés. Au Portugal, 50% sont enfouis et en Slovénie 40% sont recyclés. Dans ces trois derniers pays, une plus grande proportion des déchets (environ 15%) est compostée comparé à Chypre et à l’Estonie (Eurostat).
Pour évaluer les différents régimes alimentaires, les données de consommations ont été obtenues à partir de la base de données globale de l’EFSA (Agence Européenne de Sécurité Alimentaire) sur la consommation alimentaire en Europe. Cette base de données renseigne sur la consommation moyenne par habitant, des différents aliments. Le panier alimentaire retenu est composé de treize ingrédients au total : deux fruits, trois légumes, deux féculents, un poisson, une racine/tubercule, une légumineuse/noix, un œuf et deux produits laitiers. Ces produits ont été choisis par rapport au plus grand nombre de consommateurs pour chaque catégorie d’aliments et diffèrent pour chaque pays. Enfin, ils ont été modélisés et évalués en utilisant l’Analyse du Cycle de Vie (ACV).
 

I. MATERIEL ET METHODES

L’ACV est un outil pour obtenir une image des impacts environnementaux de l’ensemble du système alimentaire (Cucurachi et al., 2019). Cette méthode, qui détermine l’impact environnemental d’un produit tout au long de son cycle de vie, est utilisée dans la plupart des études traitant de l’impact environnemental des régimes alimentaires.

I.1. Champ de l’étude

Cette étude a été réalisée du « berceau à la tombe ». L’unité fonctionnelle est définie comme la consommation d’un repas moyen journalier. La modélisation a été réalisée à l’aide le logiciel GaBi et les bases de données de GaBi et d’Ecoinvent 3.7. Les catégories d’impacts évaluées dans cette étude sont le changement climatique, l’acidification, l’eutrophisation et l’épuisement des ressources en eau. La méthode utilisée pour l’évaluation des impacts est la méthode Environmental Footprint 3.0, qui est celle adoptée pour l’évaluation de l’empreinte environnementale des produits dans l’Union Européenne (PEF).

I.2. Frontières du système

Le modèle créé dans GaBi peut être divisé en quatre étapes : la production agricole et transformation, la centre de distribution, la vente et la consommation (incluant aussi la gestion des déchets). Le transport entre ces différentes étapes est pris en compte, mais pas les emballages. Pour faciliter l’analyse des résultats, différentes catégories ont été créées : produits de l’élevage (viande, poisson, œufs et produits laitiers), féculents, fruits et légumes, racines/tubercules, légumineuses/noix, commercialisation (centre de distribution et supermarché), transport (entre les différentes étapes) et consommation (cuisson, utilisation du réfrigérateur et gestion des déchets).

I.3. Source des données et hypothèses

Les données sont issues de plusieurs sources. Celles sur les pesticides et engrais proviennent d’Eurostat ou de l’institut statistique du pays en question. Les données sur l’empreinte de l’eau proviennent du Water footprint network. Les autres données telles que l’utilisation d’énergie pour la transformation alimentaire ou la nourriture pour le bétail proviennent de différents articles. Le changement d’affectation des terres n’a pas été inclus dans l’étude et tous les produits alimentaires sont supposés être produits dans le pays, à l’exception de certaines denrées alimentaires qui ne peuvent être produites localement comme par exemple les bananes ou les oranges.

 
II. RESULTATS ET DISCUSSION  
 
L’impact environnemental total pour la consommation d’un repas moyen est rapporté dans le Tableau 1. On observe que pour la majorité des catégories d’impacts, les régimes RMCY et RMEE présentent l’impact environnemental le plus élevé et les régimes RMFI et RMSI l’impact le plus bas.

Tableau 1 : résultats des catégories d'impacts pour la consommation d’un repas moyen - EF 3.0.

Impact environnemental ACV Tab1
 
La contribution de chaque catégorie d’impact, après normalisation, aux différentes étapes du cycle de vie de chaque pays est rapportée à la Figure 1. D’une manière générale, l’impact global de la consommation d’un produit est lié à la quantité consommée et à l’ampleur de l’impact de ce produit par kg. C’est une des raisons pour lesquelles l’impact environnemental de RMFI et RMSL est moins élevé car la quantité consommée est moindre, mais c’est aussi dû à de meilleures pratiques agricoles. L’analyse des différentes étapes du cycle de vie (Figure 1), indique que les produits de l’élevage présentent toujours l’impact le plus important, pour tous les pays et pour toutes les catégories d’impact, suivi des féculents et de la consommation . La commercialisation, le transport et la production des racines/tubercules ont la contribution la plus faible. Les fruits et légumes, et les légumineuses/noix sont entre les deux avec des différences assez marquées entre pays. De plus, pour tous les pays, le changement climatique et l'utilisation de l'eau représentent la majorité de l'impact total, la contribution de l’acidification et de l’eutrophisation étant moindre. 
 
Figure 1 : Contribution des catégories d'impact sur les étapes du cycle de vie pour la consommation d’un repas moyen - EF 3.0 après normalisation et pondération
 Impact environnemental ACV Fig1
 
La contribution de chaque catégorie d’aliments est décrite ci-dessous.

II.1. Produits d’élevage

Les produits d’élevage ont la plus grande contribution en raison de l’étape de production agricole, avec en particulier les émissions de méthane par les effluents et les fermentations entériques. Cependant, la quantité consommée exerce aussi une influence. Par exemple, la production de porc (dans le RMEE) a un plus grand impact que la production de poulet (dans le RMCY), mais la quantité consommée de poulet dans le RMCY est plus grande et donc les impacts sont supérieurs. L’utilisation de l’eau dans le RMPT est environ quatre fois plus élevée que pour les autres régimes. Cela est dû à la production des aliments du bétail. Ainsi, le RMPT et RMCY présentent la plus grande pression sur l’environnement principalement à cause de l’utilisation de l’eau dans le RMPT et au changement climatique dans le RMCY.

II.2. Consommation

La deuxième catégorie ayant le plus d’impact, notamment sur le changement climatique et l’acidification, est la phase de consommation. La cause principale est l’électricité utilisée par le réfrigérateur pour la conservation des aliments. La différence d’impact entre les pays est due à la source d’électricité. En effet, la source principale à Chypre et en Estonie est l’énergie fossile, environ 90%, alors qu’en Finlande et Slovénie la principale source est l’énergie nucléaire. Au Portugal, à peu près la moitié de l’électricité est générée à partir de combustibles fossiles, le reste provient de l’hydroélectricité et de l’éolien. L’impact total sur l’acidification est plus élevé pour le RMCY et RMEE en raison de l’utilisation de combustibles fossiles.

II.3. Féculents

La différence entre les pays provient de l’utilisation de l’eau qui est plus importante pour le RMCY et RMPT, rendant l’impact total plus élevé pour ces deux pays. Pour tous les RM, le procédé ayant la plus grande contribution est la production de blé, dont la majorité de la production est destinée à l’alimentation animale, et est donc liée aux produits d’élevage.

II.4. Commercialisation

La phase de commercialisation a l’une des plus faibles contributions à l’impact global en comparaison des autres étapes du cycle de vie. L’impact le plus fort concerne le changement climatique et, dans une moindre mesure, l’eutrophisation (du fait du traitement des eaux usées). La différence entre les pays est mineure et elle est liée aux quantités transportées.

II.5. Transport

La changement climatique et l’acidification sont les plus impactés par le transport. Les régimes RMEE, RMFI et RMSI ont un impact deux fois plus élevé que RMCY et RMPT du fait des transports à longue distance des bananes et oranges. La contribution de l’eutrophisation sur les écosystèmes marins ainsi que de l’acidification est plus importante pour RMEE et RMSI du fait du transport par bateau. Pour RMFI, le changement climatique a la plus grande contribution en raison du transport terrestre. Même si l’impact va du simple au double entre les pays qui n’importent pas de denrées et ceux qui en importent, l’impact environnemental total du transport est négligeable comparé aux autres étapes du cycle de vie.

II.6. Fruits et légumes

Dans le RMCY en particulier et RMFI, la plus grosse pression environnementale est sur l’utilisation de l’eau et l’impact est donc plus élevé pour ces deux régimes. Pour le RMFI, c’est la production d’oranges venant d’Espagne qui en est responsable. Pour les autres régimes, le changement climatique a la plus grande influence, du fait des émissions résultants de l’utilisation des sols (émission de protoxyde d’azote liée aux apports de fertilisants azotés).

II.7. Racines et tubercules

Une fois de plus, la contribution de l’utilisation de l’eau est plus élevée pour les régimes RMCY et RMPT. La production et l’utilisation des engrais phosphorés ont un impact non négligeable sur l’eutrophisation des eaux douces. Nous pouvons citer un exemple pour illustrer l’impact des choix de consommation. Le RMFI induit une plus grande utilisation d’engrais phosphorés par hectare mais la consommation de racines et tubercules y étant plus faible, l’impact est moins élevé. Un autre exemple montre aussi l’importance de bonnes pratiques agricoles : Chypre a la plus faible utilisation d’engrais phosphorés par hectare (trois fois moins que la Finlande) mais la consommation de tubercules y est plus grande (environ trois fois plus). Pourtant, l’impact total sur l’eutrophisation est à peu près égal à celui de la Finlande.

II.8. Légumineuses et noix

La différence entre les régimes concerne principalement l’utilisation de l’eau. Pour les amandes à Chypre, elle est environ dix fois plus élevée que pour les petits pois dans les autres pays, ce qui pourrait s’expliquer par le manque d’équipements d’irrigation performants à Chypre. L’utilisation beaucoup plus importante d’eau pour les petits pois au Portugal comparée aux autres pays est surement liée aux conditions climatiques.

II.9. Limites de l’étude

Cette étude présente certaines limites. Tout d’abord, il y a seulement treize ingrédients dans le panier, ce qui peut limiter la robustesse des conclusions. De plus le régime moyen n’est pas représentatif de toutes les habitudes alimentaires présentes dans le pays, même s’il communique des informations utiles sur les différences culturelles. Par ailleurs, certaines données utilisées ne sont pas récentes comme l’empreinte de l’eau bleue (1996-2005) ou l’utilisation des pesticides au Portugal (2013). Les pratiques agricoles ont sûrement évolué entre temps. De même, ces données représentent les pratiques moyennes et ne prennent pas en compte la diversité des pratiques agricoles dans un pays donné. Quand certaines données étaient manquantes, des hypothèses ont dû être émises, par exemple sur les distances de transport ou sur l’utilisation des engrais.
La plupart des procédés du modèle ACV ont été créés à partir des données de la littérature mais quelques procédés non disponibles sont issus d’Ecoinvent ce qui peut potentiellement conduire à un déséquilibre dans l’évaluation des impacts.
La méthodologie utilisée (ici l’ACV) présente également des limites bien connues explicitées dans d’autres articles : par exemple, les bénéfices environnementaux liés à l’élevage reconnus par la société et les politiques publiques, concernant notamment la valorisation des prairies, le maintien de la biodiversité, et le stockage de carbone dans les sols ne sont pas intégrés (Dourmad et al., 2022 ; Guinot et al., 2022).

 
CONCLUSION
 
L’impact environnemental des régimes alimentaires moyens à Chypre, en Estonie, en Finlande, au Portugal et en Slovénie, sur le changement climatique, l’acidification, l’eutrophisation et l’utilisation de l’eau a été évalué. Dans l’ensemble, les produits de l’élevage ont la plus grande contribution à toutes les catégories d’impact et pour les cinq régimes. Pour la phase de consommation à domicile, la source d’énergie (pour l’utilisation du réfrigérateur principalement) explique l’importante différence observée entre pays, Chypre et l’Estonie ayant une majorité de combustibles fossiles dans leur source d’énergie alors qu’en Finlande et Slovénie, l’électricité provient essentiellement du nucléaire. Le transport et la vente ont le plus faible impact pour tous les pays, même si des différences importantes existent entre pays. Pour la plupart des produits agricoles, l’utilisation de l’eau est plus importante à Chypre et au Portugal.
Quelques recommandations peuvent être tirées de cette étude. Premièrement, les résultats confirment le pouvoir de nos choix alimentaires et en particulier l’influence de la réduction de la consommation de produits issus de l’élevage. Toutefois, une telle réduction serait uniquement motivée par des raisons d’impact environnemental.
Les phases de transport et de commercialisation n’ont en fait que très peu d’impacts, remettant ainsi en cause les croyances relatives à l’intérêt de la consommation de produits locaux, pour atteindre un régime plus durable. En fait, la priorité devrait être donnée à la manière dont les aliments sont produits ainsi qu’à la quantité consommée.
Concernant les pratiques agricoles, il y a un potentiel pour réduire l’impact sur l’utilisation de l’eau à Chypre et au Portugal en appliquant de meilleures pratiques de gestion et en augmentant l’efficacité d’utilisation de l’eau par l’irrigation de précision. De plus, même si l’eutrophisation et l’acidification ont une plus faible contribution à l’impact global, l’application de meilleures pratiques concernant l’utilisation d’engrais devraient aussi être considérée, d’autant plus que les engrais azotés contribuent au changement climatique par l’utilisation d’énergie fossile pour leur production et les émissions de N2O liées à leur épandage sur des sols.
Pour conclure, les résultats montrent des différences notables dans les pratiques agricoles et les habitudes alimentaires de pays européens proches. Nous espérons que ces résultats aideront à mieux comprendre la complexité de l’impact environnemental des régimes alimentaires et à contribueront à des conseils d’amélioration pour les acteurs du système alimentaire et les consommateurs. Toutefois, d’une façon générale, d’autres critères que l’impact environnemental doivent être considérés pour l’optimisation des régimes alimentaires, comme par exemple la satisfaction des besoins nutritionnels de l’homme.
 
 
Références bibliographiques : 
 
Bryngelsson D., Wirsenius S., Hedenus F., Sonesson U. (2016). How can the EU climate targets be met? A combined analysis of technological and demand-side changes in food and agriculture. Food Policy, 59, 152-164.
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Dourmad J.Y., André E., Bonnot S., Darmon N., Dollé J.B., Espagnol S., Mottet A., Péchenart E., Peyraud J.L., To V., van de Werf H., Hocquette J.F. (2022). Vers un affichage environnemental des produits animaux. Viandes et Produits Carnés, VPC-2022-3822 https://www.viandesetproduitscarnes.fr/phocadownload/vpc_vol_38/Vol_3822_Affichage-Environnemental.pdf
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Guinot C., André E., Maheo T., Fossey M., Dallaporta B., Bonnot S., Asselin A.C., Sananes B. (2022). Quel affichage environnemental pour les viandes de ruminants ? Viandes et Produits Carnés, VPC-2022-3824 https://www.viandesetproduitscarnes.fr/phocadownload/vpc_vol_38/Vol_3824_Modalits-Evaluation-Affichage.pdf
Mekonnen M.M., Hoekstra, A.Y. (2010) The green, blue and grey water footprint of crops and derived crop products, Value of Water Research Report Series No. 47, UNESCO-IHE, Delft, the Netherlands.
Vermeulen S.J., Campbell B. M., Ingram J.S.I. (2012). Climate Change and Food Systems. Annual Review of Environment and Resources, 37, 195-222.
Wernet G., Bauer C., Steubing B., Reinhard J., Moreno-Ruiz E., Weidema B. (2016). The ecoinvent database version 3 (part I): overview and methodology. The International Journal of Life Cycle Assessment, 21(9), 1218–1230. Available at: <http://link.springer.com/10.1007/s11367-016-1087-8>
Zampori L., Pant, R. (2019). Product Environmental Footprint (PEF) method, EUR 29682 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg

 

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Edito

Science, ingérences et persillé

Les débats sur l’avenir de l’élevage et la viande ont bien du mal aujourd’hui à se départir d’un faisceau d’apriori idéologiques, de visées politiques mais aussi d’arrière-pensées commerciales. Un rapport de l’Ecole de guerre économique présenté début décembre dans les salons du Sénat à l’initiative du sénateur du Morbihan Yves Bleunven a ainsi mis au jour les troublantes connections entre les associations animalistes et environnementalistes œuvrant en Europe, les associations « philanthropiques » américaines qui les subventionnent et les investisseurs de la « foodtech » d’Outre-Atlantique qui ont misé d’énormes sommes sur les profits éventuels à tirer des alternatives végétales et de la « viande » artificielle. Entre 2017 et 2022, l’une de ces associations -qui s’est fait connaitre par la diffusion de vidéos-chocs tournées dans des élevages et des abattoirs- a reçu pas moins de 6,1 millions de dollars, dont une part importante provenant de l'Open Philanthropy Project (OPP). En seulement six ans, écrivent les auteurs, les dons à cette association groupusculaire ont triplé, « atteignant plus de 3M$ en 2023 ». Depuis 2016, la fondation a alloué plus de 40 M€ à diverses organisations animalistes, principalement en Europe, « afin d’influencer les débats politiques et réglementaires (notamment lors des débats sur la bientraitance animale ou de la directive IED) », affirment les auteurs. Le rapport pointe également les liens flagrants entre organisations philanthropiques et investisseurs des alternatives à la viande. Les auteurs montrent notamment comment les fondateurs des associations Mercy for Animals et PETA ont fondé le Good food institute, chargé de soutenir la « foodtech ». Entre 2014 et 2023, ce fonds « a financé la recherche et le lobbying du secteur à hauteur de 21 millions de dollars ». Une ingérence aujourd’hui encore insuffisamment prise au sérieux par l’agriculture et l’agroalimentaire européens « pour lesquels il s’agit pourtant d’une question de souveraineté », estime le sénateur Yves Bleunven.
Contre toutes les simplifications, les raccourcis ou les parti-pris plus ou moins honnêtes ciblant l’élevage et la viande, plusieurs dizaines de chercheurs ont lancé un nouvel appel « de Denver » en faveur « d’une politique guidée par le souci d’une alimentation adaptée ». « Le discrédit généralisé de la viande, des produits laitiers et des œufs doit cesser afin que nous puissions revenir à des recommandations alimentaires pleinement fondées sur des preuves scientifiques, économiquement et culturellement appropriées, qui nourrissent et respectent à la fois les consommateurs et les producteurs de ces aliments, au lieu de les discréditer sans cesse », écrivent-ils, dans le prolongement de la déclaration de Dublin, prononcée en 2022 sur le rôle sociétal de l'élevage signée par plus de 1 200 scientifiques du monde entier.
https://www.dublin-declaration.org/fr/lappel-a-action-de-denver
Bien loin de ces débats idéologiques et surtout mercantiles, ce numéro de VPC s’attache à une caractéristique essentielle de la viande bovine dans le plaisir que sa consommation procure : le persillé. En six articles, nous espérons répondre à tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur ce sujet peut-être moins clivant que celui de la viande artificielle mais pas si anodin pour l’orientation de la filière bovine française. Ainsi, les chercheurs continuent de travailler sans relâche car il convient de ne pas détourner l’attention du grand public de l’essentiel, à savoir la nécessité de s’appuyer sur la science pour correctement évaluer et améliorer les systèmes d’élevage et la qualité de leurs produits dont celle de la viande.

Bruno CARLHIAN et Jean-François HOCQUETTE