Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

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Evaluation du persillé et des qualités sensorielles des carcasses bovines

Dans les abattoirs européens, pratiquer la coupe avant/arrière des carcasses bovines entre la 10ème et la 13ème côte, comme en Australie, plutôt qu’à la classique 5ème côte peut engendrer une dépréciation financière, ce qui freine les abattoirs à réaliser ce type de coupe. Cette étude avait donc pour objectif de comparer les scores de classement de persillé, couleur de viande et couleur de gras du M. longissimus thoracis et lumborum lors de coupes à la 5ème et à la 10ème vertèbre thoracique. Les conséquences sur la prédiction de la qualité de la viande par le modèle Meat Standards Australia (MSA) ont ensuite été évaluées pour des vaches de réforme, lesquelles produisent la majorité de la viande bovine consommée en France. Les carcasses de 208 vaches françaises, principalement de race Limousine, ont été classées selon le système australien ABCAS (« Australian Beef Chiller Assessment System ») employé pour la mise en œuvre du système MSA et de son équivalent européen, le système 3G. Il n’y a pas de différence significative de persillé entre les deux sites de mesure, ni de scores de qualité sensorielle globale (MQ4) des muscles ou de l’index MSA de la carcasse calculés à partir de ces mesures. En revanche, la couleur de la viande est significativement plus sombre à la 10ème qu’à la 5ème côte et la couleur du gras plus jaune. En France, le classement de persillé du M. longissimus thoracis et lumborum doit s’effectuer à la 5ème côte selon le référentiel interprofessionnel en vigueur. Les résultats de cette étude suggèrent qu’il pourrait techniquement aussi se faire à cet endroit avec le référentiel MSA/3G, pour des recherches sur bovins allaitants en Europe. Cependant, des investigations et ajustements supplémentaires seraient nécessaires pour utiliser d’autres critères essentiels du classement MSA/3G (comme l’épaisseur du gras dorsal) afin qu’ils soient compatibles avec les pratiques habituelles de séparation en quartiers des carcasses européennes.

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Edito

Science, ingérences et persillé

Les débats sur l’avenir de l’élevage et la viande ont bien du mal aujourd’hui à se départir d’un faisceau d’apriori idéologiques, de visées politiques mais aussi d’arrière-pensées commerciales. Un rapport de l’Ecole de guerre économique présenté début décembre dans les salons du Sénat à l’initiative du sénateur du Morbihan Yves Bleunven a ainsi mis au jour les troublantes connections entre les associations animalistes et environnementalistes œuvrant en Europe, les associations « philanthropiques » américaines qui les subventionnent et les investisseurs de la « foodtech » d’Outre-Atlantique qui ont misé d’énormes sommes sur les profits éventuels à tirer des alternatives végétales et de la « viande » artificielle. Entre 2017 et 2022, l’une de ces associations -qui s’est fait connaitre par la diffusion de vidéos-chocs tournées dans des élevages et des abattoirs- a reçu pas moins de 6,1 millions de dollars, dont une part importante provenant de l'Open Philanthropy Project (OPP). En seulement six ans, écrivent les auteurs, les dons à cette association groupusculaire ont triplé, « atteignant plus de 3M$ en 2023 ». Depuis 2016, la fondation a alloué plus de 40 M€ à diverses organisations animalistes, principalement en Europe, « afin d’influencer les débats politiques et réglementaires (notamment lors des débats sur la bientraitance animale ou de la directive IED) », affirment les auteurs. Le rapport pointe également les liens flagrants entre organisations philanthropiques et investisseurs des alternatives à la viande. Les auteurs montrent notamment comment les fondateurs des associations Mercy for Animals et PETA ont fondé le Good food institute, chargé de soutenir la « foodtech ». Entre 2014 et 2023, ce fonds « a financé la recherche et le lobbying du secteur à hauteur de 21 millions de dollars ». Une ingérence aujourd’hui encore insuffisamment prise au sérieux par l’agriculture et l’agroalimentaire européens « pour lesquels il s’agit pourtant d’une question de souveraineté », estime le sénateur Yves Bleunven.
Contre toutes les simplifications, les raccourcis ou les parti-pris plus ou moins honnêtes ciblant l’élevage et la viande, plusieurs dizaines de chercheurs ont lancé un nouvel appel « de Denver » en faveur « d’une politique guidée par le souci d’une alimentation adaptée ». « Le discrédit généralisé de la viande, des produits laitiers et des œufs doit cesser afin que nous puissions revenir à des recommandations alimentaires pleinement fondées sur des preuves scientifiques, économiquement et culturellement appropriées, qui nourrissent et respectent à la fois les consommateurs et les producteurs de ces aliments, au lieu de les discréditer sans cesse », écrivent-ils, dans le prolongement de la déclaration de Dublin, prononcée en 2022 sur le rôle sociétal de l'élevage signée par plus de 1 200 scientifiques du monde entier.
https://www.dublin-declaration.org/fr/lappel-a-action-de-denver
Bien loin de ces débats idéologiques et surtout mercantiles, ce numéro de VPC s’attache à une caractéristique essentielle de la viande bovine dans le plaisir que sa consommation procure : le persillé. En six articles, nous espérons répondre à tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur ce sujet peut-être moins clivant que celui de la viande artificielle mais pas si anodin pour l’orientation de la filière bovine française. Ainsi, les chercheurs continuent de travailler sans relâche car il convient de ne pas détourner l’attention du grand public de l’essentiel, à savoir la nécessité de s’appuyer sur la science pour correctement évaluer et améliorer les systèmes d’élevage et la qualité de leurs produits dont celle de la viande.

Bruno CARLHIAN et Jean-François HOCQUETTE