Revue Française de la recherche
en viandes et produits carnés

ISSN  2555-8560

L’élevage porcin en Côte d’Ivoire et la couverture de leurs besoins en vitamine D

 

L’élevage semi-moderne des porcs à Korhogo en Côte d’Ivoire et les défis nutritionnels liés aux besoins en vitamine D.
 
Les porcs élevés dans des fermes couvertes en Côte d’Ivoire ont des teneurs en vitamine D3 faibles par rapport aux porcs élevés dans des fermes semi-ouvertes car l’exposition au soleil favorise la synthèse de la vitamine D3.
 

INTRODUCTION

La viande est une excellente source protéique pour l’alimentation humaine (Lecerf, 2014). Le porc vient en deuxième position mondiale après le bœuf pour la consommation de sa viande (FAO, 2012). La Côte d’Ivoire ne produit que 8 300 tonnes et importe 23 800 tonnes de viande de porc pour la consommation locale. En raison du manque à gagner pour le pays, les recherches scientifiques ont porté principalement sur l’innovation technologique afin d’accroitre la production locale. Dans la filière porcine, les innovations ont induit une dynamique sectorielle nationale pour l’élevage de races pures importées associées aux races locales et la fabrication d’aliments à partir des matières premières locales (Kouakou et al., 2018). Ces recherches ont montré que les performances exprimées par les animaux de races locales (Korhogo) ou importées (Large White, Landrace, Piétrain et Duroc) nourris avec les aliments fabriqués localement, ne sont pas différentes de celles des animaux nourris avec un aliment commercial d’importation contenant du soja (Kouakou et al., 2018). Ceci est très encourageant du point de vue de la recherche de la sécurité alimentaire pour le pays.
Mais la sécurité alimentaire exige d’inclure dans les axes de recherche, la valeur nutritive de la viande. Dans le département de Korhogo, les porcs sont élevés dans deux types de fermes. Il y a les fermes dont les bâtiments sont totalement couverts. Les animaux de ce type de ferme sont protégés du soleil. Il y a également des fermes dont les bâtiments sont semi-ouverts. Dans ces fermes, les animaux jouissent d’un espace non couvert où ils peuvent recevoir l’ensoleillement. On sait que la viande n’est pas consommée uniquement pour les protéines ou les lipides, mais aussi pour les vitamines et les minéraux. Or la composition de la viande en ces micronutriments dépend non seulement de l’alimentation des animaux, mais aussi du type d’élevage (Mourot, 2010). Dans le cas par exemple de la vitamine D3, les animaux peuvent l’obtenir par l’alimentation mais aussi en la synthétisant, la synthèse étant favorisée par l’exposition de la peau au soleil (Lauridsen, 2014). Une carence en vitamine D3 réduit la rétention de calcium, de phosphore et de magnésium (Miller et al., 1965). Ceci peut impacter la valeur nutritive de la viande de ces animaux et dans un pays tributaire de la viande de porc, les apports nutritionnels de vitamine D3 peuvent être réduits chez les consommateurs. Mais l’impact majeur est la baisse de la productivité et de la performance des porcs car l’apport de la vitamine D3 permet surtout de préserver la santé des animaux.
Le modèle dominant de système d’élevage de porcs dans les pays développés est basé sur le confinement des animaux qui ne leur permet pas d’être exposés au soleil. Ainsi, les aliments des porcs, dans ces pays, sont systématiquement supplémentés en minéraux et vitamine D3. L’élevage porcin n’est pas standardisé en Côte d’Ivoire. Alors que les porcs de races locales sont en divagation dans les villages, l’élevage des races importées, ou de produits de leurs croisements, se fait dans des enclos à l’image des pays occidentaux afin de protéger les animaux des températures élevées caractéristiques du climat tropical.
Notre hypothèse est que ces porcs qui n’ont pas accès aux rayons du soleil sont déficitaires en vitamine D3. Dans cette étude pilote, des prélèvements de sang ont été réalisés chez des animaux élevés en bâtiment ou ayant accès au plein air pour déterminer les concentrations de vitamine D3, du calcium, du magnésium et du phosphore.
 

I. MATERIELS & METHODES

I.1. Animaux et matériel.

L’étude a porté sur 32 porcs de race Korhogo, une race issue de l’amélioration de la race locale, tous de peau blanche. Des verrats craonnais auraient été croisés avec des femelles locales. Les meilleurs descendants de ce croisement auraient ensuite été accouplés avec des verrats Yorkshire. La stabilisation de cet étage a donné naissance à la souche de Korhogo dite « Race Korhogo ou Porc de Korhogo » (CIRAD, 2016).
Les données proviennent d’un échantillonnage de commodité réalisé sur les deux types d’élevage de porcs qui existent dans les environs de la ville de Korhogo (Figure 1), le choix des fermes et des animaux étant basé sur la facilité d’accès.
Le matériel utilisé pour prélever, traiter et analyser le sang des porcs de l’étude était : tubes secs 5 ml (tube à bouchon rouge), tubes EDTA 5 ml (tube à bouchon violet), aiguilles épicrâniennes (23G), corps de prélèvement BD vacutainer, gants, coton, glacière, centrifugeuse SIGMA 3-16L, pipettes Pasteur, tubes Eppendorf (1,5 mL), système analyseur Cobas® c 311 de Roche/Hitachi, les réactifs Cobas pour le dosage de minéraux (Calcium, Phosphore et Magnésium), plateforme Vidas® et un kit d’analyse Vidas pour la vitamine D3.

I.2. Méthodes.

I.2.1. Démarche méthodologique

Critères d’inclusion
Pour être pris en compte dans l’étude, l’animal devait appartenir à l’une des deux types de fermes (couverte et semi-ouverte) (Figure 2). Étant donné l’importance de la vitamine D3 dans la croissance et la minéralisation osseuse, l’animal devait également être dans sa phase de croissance (de 2 à 6 mois d’âge).

Critères d’exclusion
Les porcs de type « coureur » des villages ont été exclus de cette étude. Ces animaux se promènent dans le village à l’air libre, leur alimentation ne peut être suivie. De plus, ils ne font clairement pas partie des élevages semi-modernes. Les autres critères de rejets étaient l’âge et l’état physiologique. En effet, les animaux âgés de moins de 2 mois de même que ceux âgés de plus de 6 mois n’ont pas été pris en compte. Les truies gestantes et allaitantes ont été exclues de l’étude.

I.2.2. Prélèvement et conditionnement des échantillons

La technique de contention consistait à faire coucher le porc en décubitus latéral droit. L’animal était maintenu immobile par des techniciens afin de faciliter le prélèvement du sang. Le sang a été prélevé sur la veine auriculaire gauche du porc dans deux tubes d’échantillon de sang par porc : l’un dans un tube EDTA pour l’obtention de plasma et l’autre dans un tube sec pour l’obtention de sérum. Au laboratoire, les tubes ont été centrifugés à 2 000 x g pendant 10 minutes. Le plasma et le sérum de chaque porcainsi obtenus ont été conservés au congélateur à -80 ºC jusqu’au moment de l’analyse (Thavasu et al., 1992 ; Thermofisher, 2007).

Figure 1 : Cartographie de la zone d’étude
Elevage semi moderne porcs fig1

  

Figure 2 : Photographies des types de fermes visitées, A : le type de ferme couverte et B : le type de ferme semi-ouverte

AElevage semi moderne porcs fig2aBElevage semi moderne porcs fig2b

 
I.2.3. Dosage des micronutriments

Dosage du 25 hydroxy cholécalciférol
La forme circulante de la vitamine D3 est le 25 hydroxy cholécalciférol (25OHD3). C’est cette forme qui est indicatrice du statut en vitamine D3 d’un individu (Thermofisher, 2007). Ainsi, les échantillons de plasma issus des tubes EDTA ont été analysés pour le 25OHD3 en utilisant des kits Vidas® 25 OH Vitamin D Total (Vidas® BioMerieux, Marcy l’Etoile, France) sur une mini-plateforme Vidas® d’immunoessais automatisée. Vidas® 25 OH Vitamine D Total est un test quantitatif utilisant la technique ELFA (Enzyme Linked Fluorescent Assay) (Tessema et al., 2017). Le test Vidas® 25 OH Vitamine D Total permet de mesurer, par une méthode immunoenzymatique, les teneurs en vitamine D2 (25OHD2) et vitamine D3 (25OHD3) dans le sérum et le plasma. Ce test, selon le fabriquant, offre des performances cliniques d’une grande précision.

Dosage des minéraux : Calcium, Phosphore et Magnésium
Les concentrations sériques de calcium, de phosphore et de magnésium ont été dosées en duplicata avec un CV variant entre 5% et 8%, par des méthodes enzymatiques colorimétriques utilisant des kits sur un analyseur Cobas® c 311. Cobas® c311 de Roche/Hitachi, un analyseur multi-paramètrique. Il permet selon les programmes intégrés de sélectionner le programme d’intérêt pour les analyses de Biochimie classique et d’immunoessai en phase homogène (Atalay et al., 2017). Le dosage des ions calcium a été fait avec la méthode de Schwarzenbach (avec o-cresolphthalein complexon) (Atalay et al., 2017), celui du phosphate inorganique selon Daly and Ertingshausen (avec phosphomolybdate) et le dosage du magnésium a été fait avec le Chlorophosphonazo III (GHS, 2020).


I.2.4. Statistiques

Méthode d’échantillonnage
Parmi les animaux de chaque type de ferme (14 fermes couvertes et 18 semi-ouvertes), nous avons constitué deux sous-groupes : le « Récemment sevré » ou sous-groupe 2-3 mois (regroupant les animaux âgés de 2 et 3 mois) et le "Prêt pour abattage" ou le sous-groupe 5-6 mois (regroupant les animaux de 5 et 6 mois).

Mesures statistiques
Les variables dépendantes de l’étude sont les concentrations plasmatiques ou sériques en vitamine D3, calcium, phosphore et magnésium. La variable explicative est le type de ferme. Pour l’analyse statistique, ce paramètre est codé comme binaire avec 1 pour Semi-ouvert et 2 pour Couvert.

Analyse statistique
Afin de décrire en détail les données, des boîtes à moustaches de Tukey (box plots) ont été utilisées pour analyser la dispersion.
Les variables dépendantes étant continues, nous avons utilisé les t-tests (test de Student) pour comparer leurs moyennes.

 
II.    RESULTATS 
 

II.1. Caractéristiques de la population étudiée.

Le Tableau I présente les caractéristiques de la population étudiée. Ainsi, 14 porcelets étaient issus des fermes couvertes et 18 porcelets des fermes semi-ouvertes, soit un total de 32 porcelets. Les différents sous-groupes selon l’âge (Récemment sevré et Prêt pour abattage) n’étaient pas différents l’un par rapport à l’autre (P=0,92). La comparaison selon le sexe (Femelle et Mâle) indiquait également qu’il n’y avait pas de différence significative entre ces deux groupes (P= 0,66).

Tableau I : Caractéristiques des porcs inclus dans l’étude selon le type d’élevage

Elevage semi moderne porcs Tab1

Le nombre (n) des animaux par groupe est indiqué pour chaque type de ferme. Le pourcentage de chaque groupe par rapport au nombre total d’animaux dans chaque type de ferme est indiqué entre parenthèses, les valeurs de p sont également indiquées.


Le Tableau II présente les statistiques descriptives des concentrations des micronutriments étudiés chez les porcelets ; la Figure 3 en illustre la distribution. En considérant l’ensemble des porcelets étudiés, il y a une grande variabilité de la teneur en vitamine D3 (S.D.=53). L’étendue de la variation de la vitamine D3 est de 122 et plus de 75% des porcelets ont une concentration en vitamine D plus faible que 116,45 ng/mL. La comparaison de la moyenne et de la médiane indique une distribution asymétrique des concentrations en vitamine D3.
Les données montrent que le calcium, le phosphore et le magnésium possèdent aussi une distribution asymétrique. Toutefois, les moyennes et les médianes des concentrations sériques en ces micronutriments sont très proches comme le montrent les valeurs des écart-types qui sont en dessous de 10 (de 3,98 à 9,45).
Dans le groupe Couvert, les écart-types des concentrations de l’ensemble des variables sont inférieurs à 10 (S.D. de 1,1 à 9,64). De plus, les moyennes et les médianes de chaque micronutriment sont proches. Les données de ce groupe ne sauraient donc expliquer la variabilité des données de la population générale.
Dans le groupe Semi-ouvert, seule la vitamine D3 présente une moyenne de concentrations dont l’écart-types est supérieur à 10 (S.D.=12,85). Les minéraux (calcium, phosphore et magnésium) ont des valeurs de concentrations dont les moyennes et les médianes sont similaires.

Tableau II : Statistiques descriptives des valeurs obtenues pour l’ensemble des porcelets et pour les deux groupes Couvert et Semi-ouvert
Elevage semi moderne porcs Tab2

L’effectif de chaque groupe (n), les moyennes (Moy) et les écart-types (S.D.) sont indiqués. Les minima (Min), les médianes (Mdn) et les maxima (Max) de ces moyennes, tout comme les premiers (0,25) et les troisièmes quartiles (0,75) sont aussi reportés. Les concentrations sont exprimées en ng/mL pour la vitamine D et en mg/L pour les minéraux.

Figure 3 : Distribution des concentrations des micronutriments dosés selon le type de ferme
Elevage semi moderne porcs fig3

II.1.2. Variabilité interindividuelle dans les sous-groupes : 2-3 mois et 5-6 mois

Le Tableau III présente les statistiques descriptives des concentrations en micronutriments étudiés chez les porcelets des sous-groupes Récemment sevrés (2-3 mois) et Prêt pour abattage (5-6 mois) au sein de chaque groupe Couvert ou Semi-ouvert. La Figure 4 illustre leur distribution. Pour les porcelets du groupe Récemment sevrés, les concentrations de tous les micronutriments sont peu variables (S.D. varie de 0,98 à 6,38) dans le groupe Couvert. Celles des porcelets du sous-groupe "Prêt pour abattage" (c.-à-d. 5-6 mois) varient également peu (S.D. varie de 1,04 à 9,68) dans le groupe couvert.

Tableau III : Statistiques descriptives des valeurs obtenues chez les porcelets âgés de 2-3 mois et 5-6 mois
Elevage semi moderne porcs Tab3

L’effectif de chaque sous-groupe (n), les moyennes (Moy) et les écart-types (S.D.) sont indiqués. Les minima (Min), les médianes (Mdn) et les maxima (Max) de ces moyennes, tout comme les premiers (0,25) et les troisièmes quartiles (0,75) sont aussi reportés. Les concentrations sont exprimées en ng/mL pour la vitamine D et en mg/L pour les minéraux.

 
Figure 4 : Distribution des concentrations des micronutriments dosés selon l'âge des porcelets
Elevage semi moderne porcs fig4

 
Dans le groupe des fermes semi-ouvertes, à l’exception du magnésium (S.D.=3,8), la variabilité des concentrations en vitamine D, calcium et magnésium (S.D. de 10,59-11,55) est élevée apparait chez les porcelets du sous-groupe « Récemment sevrés » (c.-à-d. 2-3 mois). Cependant, leurs moyennes (113,16 ; 95,63 ; 78,55) et médianes respectives (113,95 ; 99,5 ; 78,1) sont proches malgré la variabilité (29,9 ; 30 ; 29,1 respectivement).
En revanche, chez les porcelets du sous-groupe 5-6 mois des fermes semi-ouvertes, les concentrations en minéraux sont moins variables (S.D.=1,4-8,6) alors que celles en vitamine D varient d’un porcelet à l’autre (S.D.=14,33). Cependant, la moyenne (106,92) et la médiane (108,5) de la vitamine D sont similaires.

II.1.3. Variabilité interindividuelle dans les sous-groupes : Femelle et Mâle

Le Tableau IV présente les statistiques descriptives des concentrations en micronutriments étudiés chez les porcelets Femelle et Mâle au sein de chaque groupe Couvert ou Semi-ouvert. La distribution des données est présentée sur la Figure 5. Les concentrations de tous les micronutriments des femelles (S.D. varie de 1,03 à 10,12) et des mâles (S.D. varie de 1,1 à 9,54) sont peu variables dans les fermes couvertes.
Dans le groupe des fermes semi-ouvertes, les concentrations en vitamine D des porcelets femelles (S.D.=14,34) et mâles (S.D.=11,86) sont plus variables. La comparaison des valeurs médianes est plus appropriée. Pour les minéraux, la variabilité est faible chez les Femelles (S.D. varie de 2,39 à 10,35) et les Mâles (S.D. varie de 3,75 à 9,92) bien que plus élevée pour le phosphore tant chez les femelles (S.D.=10,35) que chez les mâles (S.D.=9,92).

Tableau IV : Statistiques descriptives des valeurs obtenues chez les porcelets femelles et mâles
Elevage semi moderne porcs Tab4

L’effectif de chaque sous-groupe (n), les moyennes (Moy) et les écart-types (S.D.) sont indiqués. Les minima (Min), les médianes (Mdn) et les maxima (Max) de ces moyennes, tout comme les premiers (0,25) et les troisièmes quartiles (0,75) sont aussi reportés. Les concentrations sont exprimées en ng/mL pour la vitamine D et en mg/L pour les minéraux.

Figure 5 : Distribution des concentrations des micronutriments dosés selon le sexe des porcelets Elevage semi moderne porcs fig5

II.2. Effet du type de ferme sur les concentrations circulantes ou plasmatiques des micronutriments dosés.

Le Tableau V compare pour chaque micronutriment, les valeurs moyennes obtenues dans chaque type de ferme. Comparée à la ferme couverte, la valeur moyenne de la concentration en vitamine D3 est significativement supérieure dans le sang des porcelets des fermes Semi-ouvertes (p<0,0001). Les concentrations en calcium et en phosphore ne sont pas statistiquement différentes quel que soit le type de ferme (p=0,91 et p=0,3, respectivement). La concentration en magnésium est significativement plus basse dans le sérum des porcelets des fermes Semi-ouvertes comparées aux fermes couvertes (p<0,0001).

Tableau V : Comparaison des concentrations circulantes ou plasmatiques en micronutriments mesurées chez des porcs Korhogo selon le type de ferme

Elevage semi moderne porcs Tab5

Les moyennes (Moy) des concentrations de chaque micronutriment dosé sont indiquées avec leurs écart-types (Std). La valeur absolue du T-test (│T│) et les valeurs de p sont également indiquées ; significatif si p ≤ 0,05.

 
II.3. Analyse des sous-groupes

II.3.1. Effet du type de ferme pour une classe d’âge donnée sur les concentrations circulantes ou plasmatiques des micronutriments dosés

Chez les porcelets du sous-groupe "Récemment sevré" (Tableau VI), les concentrations en vitamine D3 et en magnésium sont statistiquement différentes d’un type de ferme à l’autre. En effet, la concentration en vitamine D3 est significativement élevée (p<0,0001) chez les porcelets des fermes semi-ouvertes en comparaison avec les porcelets des fermes couvertes. La concentration en magnésium est significativement plus basse (p=0,043) chez ces porcelets en comparaison avec ceux des fermes couvertes (Tableau VI). Les concentrations en calcium et en phosphore dans le sérum des porcelets ne sont pas significativement différentes (p=0,9 et p=0,11, respectivement) quand on compare les porcelets des fermes couvertes à ceux des fermes semi-ouvertes. On note une tendance à des concentrations en phosphore plus faibles des porcelets des fermes semi-ouvertes (p=0,11) comparée à la valeur moyenne des concentrations obtenues chez les porcelets du sous-groupe "Récemment sevrés" des fermes couvertes.
Chez les porcelets du sous-groupe "Prêt pour abattage" (Tableau VII), la concentration en vitamine D3 est significativement élevée dans le sang des porcelets qui sont issus des fermes semi-ouvertes (p<0,0001) lorsqu’on la compare à la valeur moyenne des concentrations obtenues chez les porcelets des fermes couvertes. Les concentrations en calcium et en phosphore ne sont pas significativement différentes d’un type de ferme à l’autre (p=0,77 et p=0,98, respectivement) (Tableau VII). Dans ce même sous-groupe de porcelets "Prêt pour abattage", la concentration en magnésium est significativement basse (p=0,0001) dans le sang des porcelets qui sont issus des fermes semi-ouvertes (Tableau VII).

Tableau VI : Comparaison des concentrations circulantes ou plasmatiques en micronutriments mesurées chez les porcelets récemment sevrés

Elevage semi moderne porcs Tab6

Les moyennes (Moy) des concentrations de chaque micronutriment dosé sont indiquées avec leurs écart-types (Std). La valeur absolue du T-test (│T│) et les valeurs de p sont également indiquées ; significatif si p ≤ 0,05.


Tableau VII : Comparaison des concentrations circulantes ou plasmatiques en micronutriments mesurées chez les porcelets prêts pour abattage
Elevage semi moderne porcs Tab7

Les moyennes (Moy) des concentrations de chaque micronutriment dosé sont indiquées avec leurs écart-types (Std). La valeur absolue du T-test (│T│) et les valeurs de p sont également indiquées ; significatif si p ≤ 0,05.

II.3.2. Effet du type de ferme pour chaque sexe sur les concentrations circulantes ou plasmatiques micronutriments dosés

Chez les femelles, on observe que la concentration en vitamine D3 est significativement plus élevée (p<0,0001) dans le sang des porcelets (Tableau VIII) qui sont issus des fermes semi-ouvertes en comparaison avec la valeur moyenne des concentrations en vitamine D3 obtenues chez les porcelets des fermes couvertes. En revanche, les concentrations en calcium et en phosphore ne sont pas significativement différentes (p=0,94 et p=0,63, respectivement) d’un type de ferme à l’autre (Tableau VIII). La concentration en magnésium dans le sang est significativement plus basse (p=0,0002) chez les porcelets des fermes semi-ouvertes en comparaison avec la valeur moyenne des concentrations de magnésium obtenue en fermes couvertes (Tableau VIII).
On observe les mêmes différences chez les porcelets mâles (Tableau IX). En effet, la concentration de la vitamine D3 est significativement élevée (p<0,0001) dans le sang des porcelets des fermes semi-ouvertes en comparaison avec la valeur moyenne des concentrations en vitamine D3 obtenues chez les porcelets de fermes couvertes. Par ailleurs, la concentration en magnésium dans le sang est significativement plus basse (p=0,025) dans les fermes semi-ouvertes en comparaison avec la valeur moyenne des concentrations de magnésium obtenues chez les porcelets des fermes couvertes (Tableau IX).

Tableau VIII : Comparaison des concentrations circulantes ou plasmatiques en micronutriments mesurées dosés chez les porcelets femelles

Elevage semi moderne porcs Tab8

Les moyennes (Moy) des concentrations de chaque micronutriment dosé sont indiquées avec leurs écart-types (Std). La valeur absolue du T-test (│T│) et les valeurs de p sont également indiquées ; significatif si p ≤ 0,05.


Tableau IX : Comparaison des concentrations circulantes ou plasmatiques en micronutriments mesurées dosés chez les porcelets mâles

Elevage semi moderne porcs Tab9

Les moyennes (Moy) des concentrations de chaque micronutriment dosé sont indiquées avec leurs écart-types (Std). La valeur absolue du T-test (│T│) et les valeurs de p sont également indiquées ; significatif si p ≤ 0,05.

 
III. DISCUSSION
 
A la lumière des données de cette étude, ni l’âge, ni le sexe n’influence les concentrations plasmatiques des micronutriments dosés. Les résultats montrent également que les animaux des deux types de fermes ont un statut similaire en calcium et en phosphore. Les porcs des fermes de Korhogo sont en général nourris avec la drêche, les résidus de la fabrication du tchapalo (bière artisanale) à partir du maïs ou du sorgho. Ce produit contient des minéraux à hauteur de 6% de matière sèche (Mopaté et al., 2011). De plus, bien d’autres aliments de porc peuvent apporter ces minéraux car les porcs ingèrent généralement des aliments complets contenant suffisamment de minéraux (Moinecourt et Priymenko, 2006) ce qui supporterait la faible variabilité des concentrations plasmatiques en calcium et en phosphore.
La concentration plasmatique en vitamine D3 est très faible quand les animaux sont protégés du soleil et très élevée quand les animaux ont un accès à l’ensoleillement. Le cholécalciférol ou vitamine D3, la forme de vitamine D que nous avons dosée est formée à partir du 7-dehydrocholesterol par l’irradiation de la peau par les rayons ultra-violets du soleil (Lauridsen et al., 2010). Ainsi, les porcs n’ont pas besoin de suppléments de vitamine D3 s’ils ont un ensoleillement adéquat. La vitamine D3 doit être apporté dans l’alimentation en cas de manque de rayonnement solaire direct. Le statut en vitamine D3 est considérée comme déficitaire lorsque la concentration en 25OHD3 dans le sang est inférieure à 20 ng/mL (Tessema et al., 2017), ce qui est le cas chez les porcelets des fermes couvertes. Des concentrations en 25OHD3 dans le sang entre 20 et 29 ng/mL (Tessema et al., 2017) correspondent à un état de carence. Lorsque la concentration de 25OHD3 dans le sang est comprise entre 30 et 100 ng/mL, on considère que la vitamine D est suffisante et potentiellement toxique aux concentrations >100 ng/mL (Tessema et al., 2017). Les résultats de cette étude suggèrent donc que les fermes semi-modernes couvertes de Korhogo qui confinent les animaux dans un endroit clos sans exposition directe au soleil ont des besoins de suppléments de vitamine D3 pour s’assurer d’avoir des animaux ayant un bon statut en cette vitamine.
Les concentrations sériques en magnésium sont les plus faibles chez les animaux des fermes semi-ouvertes ayant un statut suffisant en vitamine D3. En période de grandes chaleurs, comme c’est souvent le cas à Korhogo, le porc, étant incapable de transpirer, baisse sa consommation d’aliments (Moinecourt et Priymenko, 2006). Ceci impacterait les taux de nutriments de façon générale. Par ailleurs, les résultats suggèrent l’existence d’une interaction entre la vitamine D3 et le magnésium. Cette interaction mérite une investigation dans des conditions expérimentales où la diète peut être contrôlée. Toutefois, soulignons que l’existence d’une interaction entre la vitamine D et le magnésium est bien connue. Les études sur le sujet portent principalement sur l’action des suppléments de magnésium sur les concentrations plasmatiques en vitamine D3 et décrivent des effets contradictoires : certaines études montrent une augmentation de la vitamine D3 (Rosanoff et al., 2016) et d’autres une diminution (Rosanoff et al., 2016). Il semblerait que ce soit le statut en vitamine D3 qui détermine le sens de l’interaction en le magnésium et la vitamine D3. En effet, lorsque la concentration circulante de vitamine D est >30 ng/mL (statut suffisant), l’apport de magnésium induit une réduction de la concentration en vitamine D3 ; pour une concentration de vitamine D de 30 ng/mL, le magnésium induirait une augmentation de la vitamine D dans le sang (Dai et al., 2018). Cette relation inverse entre le magnésium et la vitamine D3 est conforme avec nos résultats qui montrent une baisse du magnésium chez les porcelets ayant un statut suffisant en vitamine D3.
 
 
IV. CONCLUSION
 
La principale découverte de cette étude a été l’effet du type de ferme sur le statut en vitamine D3 des animaux. A notre connaissance, une telle étude de prospection est la première dans le département de Korhogo. Les résultats de cette étude suggèrent que les producteurs de porcs à Korhogo, qui possèdent les fermes couvertes comme dans les pays occidentaux, doivent supplémenter leurs animaux de vitamine D. Pour contourner les contraintes budgétaires liées à l’achat des suppléments alimentaires, les fermes semi-ouvertes constituent la meilleure alternative pour combler les carences en vitamine D.
 
 
Remerciements
Les auteurs de cet article tiennent à remercier tous les éleveurs qui ont accepté que leurs porcs soient prélevés et qui ont voulu partager avec l’équipe de recherche leurs connaissances et expériences précieuses. Les remerciements vont également à l’endroit de Dr GNIEKA Pascal, chef du centre médicale du CROU-K, monsieur KOUAO Peresse, responsable du laboratoire du centre médical des œuvres régionales universitaires de Korhogo et monsieur COULIBALY Ghislain, technicien de laboratoire à l’UFR des sciences Biologiques pour le soutien technique. Des remerciements vont également aux personnes qui sur le terrain ont contribué à la réalisation des prélèvements : BAHI Groguhe Cyrille, GOLI Konan Ange Sylvestre, KOUA Koffi Alexandre et KOUAKOU Konan Saint Joseph. Nous tenons également à exprimer notre gratitude à Dr KOMI Mati pour les conseils en statistiques (stratégie d’échantillonnage et analyse).
 

Références bibliographiques : 

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